AccueilDroit et chiffreTribunal administratif de Marseille : quand les juges murmurent à l’oreille des élus…

Tribunal administratif de Marseille : quand les juges murmurent à l’oreille des élus…

Ce 8 février, les magistrats de la juridiction organisaient une rencontre avec les maires des Bouches-du-Rhône. Au menu : urbanisme, contentieux électoral, gestion des risques, délais, coûts et finesses de la procédure...
Très à la mode, selon la juridiction, les recours contre les projets d’implantation de panneaux photovoltaïques ou les litiges sur les antennes relais.
D.T. - Très à la mode, selon la juridiction, les recours contre les projets d’implantation de panneaux photovoltaïques ou les litiges sur les antennes relais.

Droit et chiffreBouches-du-Rhône Publié le , Denis TROSSERO

Il y a, dans l’œil forcément attentif de tous ces élus, une volonté irrépressible d’apprendre, mais aussi une once de méfiance qui ne dit pas son nom. Tel le juge judiciaire, le juge administratif fait peur. Il est le regard évidemment impudique qui met son nez dans la vie des communes.

« Vous êtes tous là ? », demande, sur un ton ingénu, la présidente du tribunal administratif de Marseille, Pascale Rousselle. « Vous avez les meilleurs ! », réplique du tac au tac Georges Cristiani, maire de Mimet et président de l’Union des maires des Bouches-du-Rhône. « Je veux dire les plus pénibles ! », badine un de ses collègues. Pendant plus de deux heures, les questions vont fuser. Autour de la table, cinq magistrats. Face à eux, une bonne vingtaine de maires. Et le contentieux qui revient le plus souvent est celui de l’urbanisme. « Merci de nous accueillir. C’est une première, se réjouit Georges Cristiani. Avant, sans être accusés, on n’était plutôt pas très bien !, glisse-t-il. C’est important d’avoir ces liens. Cela prouve que notre fonction de maire n’est pas toujours facile… »

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La présidente rappelle que la procédure est ici « écrite, inquisitoire et contradictoire ». « Nous n’avons pas d’instrument de torture caché sous le bureau, mais c’est le juge qui mène la procédure », explique le tribunal. Il se fait joliment pédagogue, n’entend évidemment pas entrer dans le détail des affaires ou des dossiers sensibles, mais ce qui est certain, c’est que le contentieux de l’urbanisme représente à lui seul à Marseille 8 % des affaires et le stock 18 % des dossiers. Certains élus tentent le coup. Ils aimeraient bien obtenir "des conseils" du juge. « La seule chose qu’on puisse faire, c’est trouver des solutions après un jugement ou par la voie de la médiation », suggère Pascale Rousselle.

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« Tous les moyens sont bons pour les opposants à un projet », grince Georges Cristiani, maire de Mimet et président de l’Union des maires des Bouches-du-Rhône. (Crédit : Denis Trossero)

Le plus vieux dossier : 2014

Les maires grognent contre les délais, l’un d’eux cite même « vingt ans »… Voilà qui fait sursauter la présidente.

« Non, notre plus vieux dossier est de 2014 ! Nos délais ne sont pas si longs que ça. Le délai moyen pour juger une affaire est d’un an. »

Parfois, ce juge administratif, que les "perdants" décrivent comme aux ordres, donne raison au citoyen lambda, se fait résolument insolent envers l’Etat ou les collectivités territoriales. Il renvoie dans les cordes, annule, demande à telle ou telle administration de revoir sa copie et inflige des amendes salées pour "procédure abusive" à ceux qui saisissent la justice sans mesure… « Si les amendes étaient très contraignantes, peut-être que certains éviteraient de faire des recours », souffle Gérard Gazay, le maire d’Aubagne. « C’est une réalité terrible pour nous, confirme le maire de Mimet, qui bloque les communes. Ces affaires sont vraiment épouvantables. » « Tous les moyens sont bons pour les opposants à un projet », grince Georges Cristiani, le "gourou" des maires.

Présidente de la chambre de l’urbanisme, Isabelle Hogedez évoque un « travail d’équilibriste », un « arbitrage difficile entre développement économique des territoires et préservation de la biodiversité ».

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Le coût des procès

Et puis, il y a le coût des procès. « Moi, j’engage des avocats, mais pour les deniers de la collectivité, ça coûte extrêmement cher », fait remarquer Jean-David Ciot, le maire du Puy-Sainte-Réparade. Très à la mode, selon la juridiction, les recours contre les projets d’implantation de panneaux photovoltaïques ou les litiges sur les antennes relais. On conteste aussi beaucoup le montant des subventions accordées ou la facturation municipale, « parce que Jade n’a pas mangé à la cantine le 24 juin », s’amuse un magistrat… Côté contentieux électoral, les juges expliquent qu’ils n’annulent pas pour le plaisir d’annuler. « Tout est basé sur l’écart de voix », affirme le tribunal, qui n’entend pas se substituer à l’onction du suffrage universel.

Le contentieux des risques (incendies, inondations, ruissellements…) va lui aussi enfler, « en raison de la montée des eaux qui va être exponentielle à partir de 2050 », promettent les magistrats. On n’en est pas encore tout à fait là, mais les élus ont aimé cette confrontation directe, ce vivifiant partage d’idées. Car, pour les maires du département des Bouches-du-Rhône, venir au tribunal, même administratif, et même si ces juges ne portent pas de robes, n’est pas une sinécure. Ce n’est que rarement leur "terrain de jeu".

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