La Grave, paradis des freeriders en quête de pentes vierges, sans damage ni préparation de piste, attire des adeptes du monde entier. A la fin de la saison estivale, le 15 septembre, des entreprises ont pris le relais sur le site pour entamer les travaux préparatoires de la construction du troisième tronçon du téléphérique menés par la Société d'aménagement touristique de La Grave (SATG), filiale de Sata Group.
Ce chantier suscite de vives oppositions de la part de plusieurs associations environnementales qui ont vu par deux fois leur référé rejeté par le tribunal administratif. Le chantier a même dû être interrompu début octobre du fait de l'installation d'une Zad à 3400 m d'altitude, composée d'une quinzaine d'écologistes des Soulèvements de la terre, qui a finalement levé le campement une semaine après.
Entre les opposants et les partisans du projet, s'est instauré un dialogue de sourds. « Notre réalisation garantit le maintien d'une activité à La Grave, une vie économique, sociale. Ces associations sont dans la contre-vérité permanente. Notre projet est raisonné, équilibré, dimensionné, en faveur d'une transition que doit prendre la montagne et environnementalement projeté vers une amélioration notoire », plaide Yann Carrel, directeur des opérations de la SATG.
L'aménagement doit permettre de supprimer un téléski fonctionnant au fuel. Ce n'est pas le seul point noir actuellement. La montée, de 1450 m à 3200 m, s'effectue en deux tronçons. Puis, pour rallier le haut, à 3600 m, il faut emprunter un téléski mais avant cela, y parvenir déjà. La transition entre la sortie du deuxième téléphérique et le téléski est assurée par une dameuse qui tracte les skieurs sur 800 mètres !
Car la configuration du site a changé depuis l'installation de cette remontée à la fin des années 1990, implantée à l'époque par rapport à la courbe de niveau du glacier qui a forcément évolué. Un dispositif plutôt néfaste d'un point de vue tant environnemental que sécuritaire.
Ce faisant, l'opérateur ne fait que respecter le contrat de délégation de service public signé en 2017 avec la commune de La Grave. « On nous a demandé de remplacer ce vieux téléski sur le glacier de la Girose par un appareil de type téléphérique, avec un point de départ et un point d'arrivée sans interface avec la glace, pour libérer le glacier de toute installation », décrit Yann Carrel.
Le choix s'est porté sur un téléphérique classique à va et vient, long de 1800 m, d'une capacité de 40 places par cabine, transportant 400 personne par heure, comme les deux autres déjà en place. « Un débit faible qui correspond à ce que l'on est capable d'absorber en matière de flux, offrant un maximum de contemplation, un voyage partant du village, passant par la haute montagne et les glaces éternelles à 3600 m d'altitude. »
La gestion de ce flux lors des belles journées d'hiver aux conditions d'enneigement optimales relève actuellement du défi. « On peut passer de peu à beaucoup de monde. Nos installations en place nous permettent d'embarquer 1000 à 1200 personnes maximum sur une journée. Il faut pouvoir les répartir sur l'ensemble du dispositif gravitaire, sans le saturer. »
Une capacité d'intervention très limitée dans le temps
Cette extension du téléphérique vise aussi une application estivale renforcée. « Comme Chamonix, La Grave est un des rares sites à réaliser autant de chiffre d'affaires l'été que l'hiver », relève M. Carrel. Le téléphérique facilitera l'accès aux pratiques de l'alpinisme, aux courses alpines, à la promenade ou au simple rafraîchissement. L'offre sera structurée par la reconstruction, aux normes actuelles, du restaurant d'altitude au niveau de la gare de départ du futur téléphérique, et la création d'un glaciorium, lieu de conférences, d'expositions sur la haute montagne, la vie des glaciers, le réchauffement climatique.
« A 3600 m, à l'arrivée, nous n'avons rien prévu hormis la vue sur la moitié de la chaîne du massif des Ecrins. Nous avons tâché d'être le moins impactant possible, en intégrant la gare d'arrivée au profil du dôme, avec une recherche architecturale prenant la forme d'un sérac qui puisse se confondre avec le paysage. En position intermédiaire, sera posé un pylône, le moins haut possible, sur un appui rocheux en plein milieu du glacier de la Girose. ».
Coût total : 15 M€ pour une ouverture programmée à l'hiver 2025.
Le chantier le plus haut d'Europe est très contraint par la haute altitude, avec des capacités d'intervention faibles, de l'ordre de quatre mois par an pour le pylône et la gare d'arrivée. Il se concentre cet automne sur les travaux de sécurisation, de protection et de mise en défens de certaines espèces identifiées et la préparation des fondations du pylône qui mariera béton et ancrages actifs. Les entreprises travailleront jusqu'aux premières grosses neiges. A une telle altitude, la temporalité n'est pas la même. Alors ces six jours de travail par beau temps perdus sont difficiles à encaisser pour la SATG. Ne craint-elle pas le retour de la Zad au printemps, avec la reprise des travaux ? « Nous avons toutes les autorisations de l'Etat. Les lois françaises doivent être respectées. »