Sécheresse : Serre-Ponçon prend son destin en main

Il y a le feu au lac. Serre-Ponçon doit agir, et vite.La sécheresse exceptionnelle de l'été 2022 marque un coup d'accélérateur à la mise en place d'un plan de résilience dans les cartons depuis quelque temps maintenant. « Nous savions que le réchauffement climatique pourrait avoir des incidences fortes sur le marnage, mais nous n'imagions pas que cela interviendrait aussi tôt », confie Victor Berenguel, président du Smadesep, le Syndicat d'aménagement du lac de Serre-Ponçon.

Jamais pareille situation ne s'était produite depuis 32 ans. Pour un fonctionnement optimal pendant le pic de fréquentation touristique estival, la cote du lac doit idéalement atteindre 780. Au 1^er juillet 2022, le niveau du lac culminait à - 9 m pour atteindre jusqu'à - 17 m au 31 août. « Le Smadesep a su réagir vite et a sauvé 1 500 emplois », lâche Victor Bérenguel. Comment ? En adaptant les ouvrages portuaires et en donnant la priorité aux socioprofessionnels. Sur les 1 250 anneaux du lac, seuls 200 étaient exploitables.

« Nous avons reconstruit 150 places et des pontons mobiles pour permettre aux loueurs de bateaux et aux prestataires de travailler, ce que la quasi-totalité a pu faire jusqu'au 28 août. Sur la centaine de socioprofessionnels, deux n'ont pas pu démarrer leur activité et un l'a interrompue début août », précise Christophe Piana, directeur du Smadesep.

La situation a tout de même impacté les vacanciers. Certains plaisanciers ont été privés de navigation et des plages contraintes de fermer. En moyenne, les prestataires nautiques ont accusé une baisse de leur chiffre d'affaires comprise entre 30 et 40 %. Le Smadesep aussi : « Nous avons perdu 260 000 € de recettes nettes et déboursé 80 000 € pour intervenir en urgence. »

« La priorité, c'est d'adapter les infrastructures nautiques »

Plutôt que d'appliquer des rustines, le syndicat préfère élaborer une feuille de route pérenne et réfléchie, prenant le nom de "plan de résilience". Il a lancé une consultation publique auprès des élus, de la population, des professionnels, dont les résultats viennent d'être restitués. Cinq-cents retours ont été comptabilisés. Les personnes étaient sondées à la fois sur des propositions émanant du Smadesep et étaient invitées à faire part des leurs. « Nous ne partions pas d'une feuille blanche », avoue Christophe Piana.

Le Smadesep assure l'aménagement des rives du lac en vue de son exploitation touristique depuis de nombreuses années et EDF s'engage de son côté à maintenir une cote minimale en très haute saison estivale. Aujourd'hui, le syndicat souhaite aller plus loin, en « garantissant des conditions d'exploitation y compris en cas de fort marnage et sur les ailes de saison », indique Victor Berenguel. Il s'est donné trois priorités : lutter localement contre le réchauffement climatique, adapter son infrastructure nautique en conséquence et développer des activités moins dépendantes du niveau du lac.

« La priorité, c'est d'adapter les infrastructures nautiques. Cela passe par l'extension et l'aménagement des plages dans les deux ans », annonce Victor Berenguel. Le Smadesep souhaiterait étendre l'exploitation des 1 250 anneaux jusqu'à 15 m. « Nous allons continuer d'aménager des pontons, l'idée étant d'envisager l'agrandissement de nos ports et que nos ouvrages continuent de servir malgré des marnages plus forts », annonce Victor Berenguel. Les pontons brise-lames en béton semblent tout trouvés. « Ils ont pour vocation à se substituer à des digues, protégeant les avant-ports et augmentant la résilience au marnage », précise Christophe Piana. Cette sécurisation passe aussi par l'installation de cales de mises à l'eau profondes et d'un port à sec, complémentaire au stationnement sur l'eau et très commode en période de fort marnage.

Transition énergétique : comment le territoire de Serre-Ponçon utilise l'innovation

Sur l'aspect diversification, deux idées ont déjà émergé. La première consiste à créer une pisciculture à Ubaye-Serre-Ponçon pour satisfaire la demande en poissons de la population et des restaurateurs. La seconde vise à industrialiser la production de terre de jardin en exploitant le bois flotté « qui gêne la navigation et dont on ne sait que faire » et les sédiments « qui pourrissent la vie des riverains lors des vents de sable ».

Programme ambitieux et coûteux. Même s'il n'est encore précisément chiffré, il pourrait nécessiter entre 30 et 35 M€ d'investissement. Il s'agit désormais de déterminer le coût des projets, de les prioriser et d'établir une programmation s'échelonnant sur trois à cinq ans en fonction des capacités financières du Smadesep et des subventions espérées.