AccueilEconomieRobin Hamadi, ARHLM Paca-Corse : « La crise de l’énergie est une nouvelle épreuve pour le monde HLM »

Robin Hamadi, ARHLM Paca-Corse : « La crise de l’énergie est une nouvelle épreuve pour le monde HLM »

Face à la flambée des factures énergétiques, l’association régionale des organismes HLM de Provence-Alpes-Côte d’Azur et de Corse (Arhlm Paca-Corse) tire la sonnette d’alarme. Entretien avec son directeur, Robin Hamadi.
Robin Hamadi, directeur de l’ARHLM Paca-Corse.
W. Allaire - Robin Hamadi, directeur de l’ARHLM Paca-Corse.

Economie Publié le , Propos recueillis par William ALLAIRE

La flambée de la facture énergétique frappe de plein fouet les bailleurs sociaux. Comment répercuter la hausse du prix du gaz ou de l’électricité à des locataires de logements à loyers modérés pour qui la fin du mois commence dès le 5 ? L’équation est impossible. Elle provoque ça et là des réactions indignées des associations de locataires qui pointent l’inflation de leurs charges de chauffage. Une augmentation qui atteint parfois des niveaux stratosphériques pour des ménages vivant à l’euro près.

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Dans une enquête menée auprès de quelque 200 organismes en décembre 2022, l’Union sociale pour l’habitat (USH) dressait un constat alarmant : près des deux-tiers des bailleurs indiquaient enregistrer une « augmentation du nombre de ménages en difficulté financière ». La même proportion déclarait avoir « perçu des signaux alertant sur des difficultés financières ». Près de la moitié des organismes affirmait enregistrer une hausse de plus de 10 % du nombre de ménages en retard de paiement de loyer de plus de trois mois par rapport au 31 décembre 2021.

Parmi les organismes qui affichaient les plus fortes hausses en termes de ménages en retard de paiement de plus de trois mois, la part de ceux qui ont un chauffage au gaz était supérieure à la moyenne (près de 30 %, contre 25 % en moyenne sur l’ensemble des répondants). Cette situation remet en question le modèle économique des résidences sociales et des structures d’hébergement, portes d’entrée du logement social pour les personnes les plus précaires. Celui-ci ne leur permet pas d’absorber la hausse des factures d’énergie qui représente plusieurs centaines de milliers d’euros supplémentaires par structure, même après application des boucliers tarifaires. Dans le parc HLM classique, la solvabilisation des aides au logement est loin de couvrir cette partie de la quittance. Bref, la hausse de la facture énergétique accroît la fracture sociale. Plaçant les organismes en première ligne d’une crise dont ils ne maîtrisent ni les tenants ni les aboutissants.

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TPBM : Des locataires d’organismes HLM manifestent devant la flambée de la facture de leurs charges énergétiques. Comment ces derniers peuvent-ils limiter la hausse ?

Robin Hamadi :Avant de répondre, il faut faire un point macro-économique. Nous étions habitués à vivre dans un monde où l’énergie coûtait peu. Cette époque est révolue. Avec son parc nucléaire, la France affichait un tarif de l’électricité parmi les moins chers d’Europe. Les règles du marché européen de l’énergie et les enjeux liés à la transition écologique ont changé la donne. En nous coupant de l’approvisionnement en gaz russe, la guerre en Ukraine a accentué la pression inflationniste. Le MWh de gaz a grimpé jusqu'à 400 eurosl’été dernier, contre 30 euros environ au début 2021. Le prix est aujourd’hui redescendu autour de 80 euros et semble se stabiliser à cette hauteur là. Mais le contexte international reste incertain, ce qui entraîne des fluctuations de tarifs. L’électricité étant indexée sur le prix du gaz, c’est toute la quittance d’énergie qui est tirée vers le haut. A défaut d’obtenir une révision du mode de calcul de la part de ses voisins européens, la France doit s’accoutumer à un prix de l’énergie plus élevé.

Comme l’ensemble de la société, les organismes doivent composer avec cette inflation. La flambée des prix de l’énergie est une nouvelle épreuve pour le monde HLM. Si la qualité thermique du parc social est supérieure à celle du reste du parc immobilier (7 % contre 17 % de "passoires thermiques"), les locataires des HLM subissent de plein fouet la crise énergétique.

Dans ce défi qui met à mal leur modèle, tous les organismes ne sont pas logés à la même enseigne. Certains ont la chance de bénéficier d’un prix bas de l’énergie garanti par des contrats longue durée signés avant le début de la crise. D’autres ont dû renégocier au prix fort car leurs contrats arrivaient à échéance au moment où les prix flambaient. Ils ne pouvaient pas faire autrement au risque sinon d’avoir une rupture d’approvisionnement en énergie. Pour ceux là, la facture d’électricité et de gaz a parfois été multipliée par dix !

Les entreprises sociales pour l’habitat (ESH) rattachées à un grand groupe peuvent limiter la hausse car elles ont la possibilité de négocier des tarifs de gros avec les énergéticiens. Les offices publics de l’habitat (OPH) sont plus exposés car ils sont pour la plupart de plus petite taille. Le jeu de la négociation est déséquilibré dans leur cas.

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Comment les aider à sortir de cette ornière économique ?

L’ARHLM réfléchît à la mise en place d’une convention d’achat groupé qui permettrait à plusieurs organismes de mutualiser leurs besoins énergétiques. Cela pourrait passer par un accord-cadre incluant des tarifs d’achat variables capés.

Quelle est la part du chauffage collectif dans le parc HLM régional ?

Le ratio est d’environ 60 % du parc chauffé par des installations collectives. C’est un niveau similaire à la moyenne nationale. Le chiffre est en baisse car on était proche de 70 % il y a quinze ans.

Les nouveaux programmes sont moins énergivores. L’enjeu est donc moins crucial pour ces résidences plus récentes ?

Pas vraiment. Jusqu’à récemment, l’Etat avait mis en place de fortes incitations pour l’installation de chaudières individuelles au gaz dans les logements. Le chauffage électrique était voué aux gémonies. Avec le nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE), c’est le retour de balancier. Les logements chauffés au gaz ont vu leur performance dégradée quand les logements équipés de pompes à chaleur ont vu la leur s’apprécier. Demain, on se tournera vers les nouveaux systèmes décarbonés comme les boucles de thalassothermie, les réseaux de chaleur, les panneaux photovoltaïques... qui étaient jusqu’à présent marginaux dans notre mix énergétique.

Cela dit, les bailleurs sociaux ont effectué de gros efforts pour améliorer la performance thermique de leur patrimoine : 8 % du parc social de la région Paca, soit 27 000 logements, est classé en étiquette F/G. C’est moitié moins que la moyenne nationale (25 %) et trois fois moins que dans des régions comme les Hauts-de-France (25 %) ou Auvergne-Rhône-Alpes (21 %).

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L’an dernier, l’USH a tiré à plusieurs reprises le signal d’alarme auprès du gouvernement. A-t-elle été entendue ?

L’USH a régulièrement rappelé au gouvernement le caractère imparfait du dispositif de bouclier tarifaire mis en place en 2022, qui pénalise les habitants des immeubles collectifs chauffés au gaz ou à l’électricité. Ces alertes répétées et partagées par de nombreux acteurs ont amené le gouvernement à compléter le dispositif initial. Trois décrets parus au Journal Officiel en date du 31 décembre 2022 détaillent les dispositifs d’aide en faveur de l’habitat collectif résidentiel pour 2022 et 2023, confronté à l’augmentation du prix de l’électricité et du gaz. Ces textes créent s’agissant de l’électricité, et prolongent concernant le gaz, un dispositif d’aide spécifique pour l’habitat collectif résidentiel. Ils apportent une aide complémentaire pour les contrats signés au second semestre 2022, et couvrent partiellement le différentiel entre le prix acheté et le tarif réglementé. Ils prévoient aussi la possibilité d’une avance sur aide pour 2023. Ils ne permettent toutefois pas de rétablir une égalité tarifaire entre les organismes pour protéger les locataires, l’inflation généralisée fait craindre une hausse des impayés avec des ménages précaires sommés d’arbitrer entre plusieurs postes de dépenses.

Pour éviter ce spectre, l’USH a dressé une liste de propositions permettant de solvabiliser les ménages. Les plus urgentes sont la revalorisation de 25 % du forfait charges et le prolongement et l’élargissement du bouclier tarifaire et du chèque énergie. On souhaite par ailleurs le déplafonnement des surcoûts pris en charge par le bouclier tarifaire électricité et l’application d’un taux de TVA à 5,5 % sur le gaz et l’électricité. Nous proposons également un abondement du budget des Fonds de solidarité pour le logement (FSL) par les énergéticiens. Enfin, il faut que l’Etat renforce le plan de rénovation énergétique.

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Les bailleurs agissent-ils pour aider les locataires les plus fragiles ?

De nombreux dispositifs sont déployés un peu partout. Habitat en Région, CDC Habitat et 13 Habitat ont mis en place des fonds de solidarité énergétique pour venir en aide aux ménages frappés par la crise de l’énergie.

De leur côté, Action Logement et sa filiale Soli’AL ont mis en place fin décembre 2022 une nouvelle aide financière d’un montant de 600 euros destiné aux locataires d’un logement social qui rencontrent des difficultés à payer leur facture énergétique.

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« Les logements chauffés au gaz ont vu leur performance dégradée quand les logements équipés de pompes à chaleur ont vu la leur s’apprécier. Demain, on se tournera vers les nouveaux systèmes décarbonés comme les boucles de thalassothermie, les réseaux de chaleur, les panneaux photovoltaïques... qui étaient jusqu’à présent marginaux dans notre mix énergétique. » (Crédit : William Allaire)

Des tarifs qui flambent

La Ville de Marseille réuni ce 1er février les bailleurs sociaux pour évoquer l’impact de la flambée de la facture énergétique sur leurs comptes. Et par ricochet sur les conditions de vie des locataires. En prévision de ce rendez-vous organisé par Patrick Amico, les organismes ont fait leurs comptes. Et presque partout, les clignotants sont au rouge. Un exemple parmi d’autres qui donne la mesure du choc subi par les organismes : dans cette ESH dont la moitié du patrimoine est équipé d’une chaudière collective (77 % via une chaufferie gaz et 23 % via un réseau de chaleur urbain), la facture de gaz se montait à 60 euros Mwh TTC jusqu’au 31 décembre 2022. Depuis le 1er janvier, la facture a été multipliée par... trois. L’organisme achète désormais la molécule de gaz à 180 euros/Mwh. Une hausse qu’il a évidemment été contraint de partiellement répercuter sur les charges de ses locataires. Ces derniers voient la hausse amortie par le bouclier tarifaire mis en place par l’Etat.

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Un bouclier usine à... gaz !

Le gouvernement a élargi et prolongé en 2023 le bouclier tarifaire pour l’habitat collectif applicable en particulier aux logements sociaux et aux copropriétés. Il concerne désormais le gaz et l’électricité. Trois décrets publiés au Journal officiel le 31 décembre 2022 définissent les évolutions de ces dispositifs.

Pour le gaz, la compensation des locataires du parc HLM est calculée sur la base des tarifs réglementés de vente (TRV) de gaz dont la hausse est limitée à +15 % en janvier 2023, par rapport aux niveaux de 2022. L’aide correspond à celle dont bénéficient les particuliers ayant un contrat avec un fournisseur de gaz naturel.

Le bouclier tarifaire collectif est également étendu à l'électricité. Les structures collectives non éligibles aux tarifs réglementés de vente (TRV) et en chauffage collectif électrique bénéficieront d’un bouclier sur le tarif de l’électricité, avec effet rétroactif au 1er juillet 2022. Le mécanisme est complexe : la compensation au titre de ce bouclier collectif correspond, en 2023, à la différence entre le prix unitaire des TRV non gelés (part variable) et celui du TRV gelé. À titre exceptionnel, pour la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2022, la compensation correspond à 70 % de la facture au-delà du TRV gelé, dans la limite d’un plafond unitaire d’aide de 130 euros/MWh. Le paracétamol n’est pas inclus...

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