Puiser l’eau de mer pour faire souffler le chaud et le froid sur plus de 3 000 logements sociaux de la commune, couvrir de panneaux photovoltaïques une quinzaine de bâtiments publics et utiliser l’eau brute pour développer des îlots de fraicheur au pied du béton des cités : telle est la triple ambition écolo de Seanergies, le projet de "boucle de croissante verte" porté par la Ville de Port-de-Bouc (16 650 habitants).
La genèse de ce programme labellisé Flexgrid remonte à 2015 : à l’époque, la commune de Port-de-Bouc et l’Office 13 Habitat répondent à l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) porté par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) : « Ville durable et solidaire, excellence environnementale du renouvellement urbain - viser la très haute performance et l’innovation environnementale pour le renouvellement urbain ». Lauréat fin 2015, le dossier concerne le quartier Aigues-Douces / La Lèque, un quartier prioritaire de la ville (QPV) inscrit dans les radars du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). En sept ans, l’initiative va creuser son sillon vert et bleu. Seanergies agrège aujourd’hui d’autres bailleurs sociaux (Logirem) et des promoteurs (Cogedim) présents sur la commune.
L’an dernier, nouveau coup de pouce venu de Bruxelles : le dossier est retenu dans l’appel à projet européen "Life Heat & Cool". Cette démarche pilotée localement par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur vise à accélérer le déploiement de réseaux de chaleur et de froid issus d’énergies renouvelables et de récupération (Enr & R) sur le territoire régional.
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Une Semop au pilotage
Fort de l’appui de l’Anru, de l’Europe et de la Région Paca, le projet attend désormais de connaître le pilote qui en assurera le portage technique et financier. Après avoir envisagé plusieurs scénarii, la municipalité a finalement décidé d’en confier les rênes à une Semop (société d’économie mixte à opération unique). Un choix gravé dans le marbre par le conseil municipal du 27 septembre 2022. Cinq mois plus tard, elle a posé le premier jalon de cet outil en lançant un appel à candidature auprès d’opérateurs privés pour boucler le pacte d’actionnaires publics-privés de cette Sem d’un nouveau genre. Les acteurs privés détiendront la majorité de son capital, la Ville se réservant 34 % des parts (avec un plafond de 1 M€)
Mais le maire présidera le conseil d’administration (CA) de la société qui sera composé de dix membres désignés pour trois ans (dont 4 représentants de la Ville). Le CA sera épaulé par des censeurs représentant les usagers et les autres acteurs du projet non-actionnaires de la Semop : des représentants des associations de locataires, la Métropole Aix-Marseille Provence et les bailleurs sociaux 13 Habitat et Logirem.
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Un investissement de 21 M€
Volonté politique, soutien public, instance de pilotage... reste le principal : les moyens sonnants et trébuchants capables de mettre en mouvement cette démarche de transition écologique. Un carburant décarboné dont le montant est estimé à 21 millions d’euros HT. Ce programme d’investissement et de gros entretien réparation (GER) sera assumé par la Semop dans le cadre du contrat de concession. A charge pour cette dernière d’aller solliciter les subventions des partenaires publics.
L’avis de marché publié début février 2023 précise que les actionnaires privés de la Semop devront s’acquitter d’un droit d’entrée d’un montant global de 500 000 euros, correspondant à la valeur des biens mis à disposition par la Ville à la prise d’effet du contrat.
Les missions de la Semop sont définies dans l’avis de mise en concurrence. Elle devra tout d’abord assurer la construction et l’exploitation des services de production, de transport et de distribution de chaleur basé sur la thalassothermie avec un objectif minimal de 65 % de chaleur issue d’énergie renouvelable.

Boucle de thalassothermie
A l’instar des boucles Thassalia et Massileo développées sur le périmètre d’Euroméditerranée à Marseille, cette technologie fonctionne sur un principe simple : après pompage des calories et frigories dans l’eau de mer*, celles-ci sont ensuite dessalées avant d’être transférées dans le réseau tempéré via un échangeur. En bout de chaîne, la distribution de calories se fait grâce à de l’eau basse température dans la ville (13-15°C), puis celles-ci sont remontées en température (45 à 60°C) pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire (ECS) au niveau des îlots grâce à des pompes à chaleur.
La société devra par ailleurs prendre en charge la construction et l’exploitation d’un réseau d’eau brute dont la ressource sera issue du réseau du canal de Provence. Ce réseau alimentera les systèmes d’arrosage des espaces verts de la Ville et des bailleurs sociaux.
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Des centrales solaires sur les bâtiments publics
Enfin, la Sem s’occupera du déploiement de centrales photovoltaïques sur des bâtiments publics : a minima 16 bâtiments municipaux, représentant au global environ 10 000 m2 de toiture exploitable dont la commune a prévu d’engager la rénovation par le truchement d’un marché global de performance.
Pour chacun des sites concernés, les installations seront raccordées au réseau public de distribution d’électricité d’Enedis sous le modèle de la revente totale d’électricité. Mais l’opérateur pourra proposer des solutions en autoconsommation.
Dans un premier temps, la Sem ciblera en priorité les 3 000 logements du parc HLM des quartiers en QPV (Aigues-Douces/La Lèque/Tassy/Bellevue/Les Comtes) ainsi que les 400 logements neufs (49 000 m2 de surface de plancher livrés au second semestre 2023) développés par Cogedim le long du canal de Caronte. Dans un second temps, elle étendra le réseau à d’autres secteurs de la ville et cherchera d’autres utilisateurs : parmi ces prospects, la commune recense le futur studio de tournage de Provence Studio sur les anciens terrains d'Azur Chimie, des Ehpad, des copropriétés...
* La station de pompage sera installée sur une parcelle proche du canal de Caronte mise à disposition par la Ville.
Semop mode d’emploi
Une société d’économie mixte à opération unique (Semop) est une nouvelle forme de Sem permettant à une collectivité territoriale de faciliter la conclusion et la réalisation d’un contrat de construction, de développement du logement ou d’aménagement, la gestion d’un service public ou de certaines autres opérations.
La Semop a pour vocation exclusive la conclusion et l’exécution d’un contrat passé entre la collectivité territoriale et au moins un actionnaire opérateur économique (sélectionné après une mise en concurrence). La Semop est constituée pour une durée limitée. Elle est dissoute de plein droit au terme du contrat avec la collectivité territoriale ou dès que l’objet de ce contrat est réalisé ou a expiré.