« Ce qui se passe actuellement en pays de Fayence, avec la décision de maires de limiter voire de geler totalement la délivrance des permis de construire à cause de la pénurie d’eau, n’est que le résultat d’un long abandon des infrastructures (réseaux, voiries...) en France. » Jean-Jacques Castillon, président de la Fédération du BTP du Var, est d’autant plus direct et crédible sur le sujet que les professionnels du secteur qu’il représente dans le Var « dénoncent cette situation depuis des années sans être entendus et subissent la double peine ».
En l’occurrence non seulement ils ne sont pas ou peu sollicités pour l’entretien de ces infrastructures, mais ils risquent fort de ne plus l’être sur le segment de marché de la construction de logements. « Au-delà de la légalité de telles décisions qu’il faudra interroger, il s’agit d’éviter que ce phénomène ne s’étende à d’autres territoires et prouver que le secteur de la construction, le BTP en particulier, n’est pas le problème mais la solution », revendique-t-il.
Sécheresse : le Var sévèrement à sec
Fuite en avant
En février 2020, en pleine campagne électorale des municipales et peu avant la crise Covid, la Fédération du BTP du Var et la Fédération régionale des travaux publics (TP) avaient interpelé les maires en place et les candidats à leur succession afin qu’ils ne baissent pas la garde sur la réalisation et l’entretien de leurs réseaux, rappelant le déclassement de la France en la matière, particulièrement visible sur les infrastructures routières puisque notre pays est passé de la 1ère à la 18e place entre 2012 et 2019 dans le classement international du Forum économique mondial. Une fuite en avant qui avait été estimée à l’échelle du Var à -24 % d’investissement annuel dans les travaux publics en 2019 par rapport à 2008. « Un déclassement coûteux pour les entreprises de TP, mais qui le sera aussi demain pour le contribuable car plus élevée sera la facture de rattrapage ou d’incident, faute de prise en compte nécessaire », écrivions-nous à ce propos à l’époque.
Pour la Fédération varoise, ce sont les territoires et leurs habitants qui souffrent les premiers de ce déclassement.
« Cela se traduit par des voiries dégradées, des équipements collectifs insuffisants, des réseaux d’eau potable vétustes qui contribuent aux fuites à l’origine de la perte de 20 % de l’eau potable transportée, soit 1 milliard de m3 d’eau perdue chaque année ! Dans le pays de Fayence, ce chiffre encore plus désastreux, avec 50 % de fuites, oblige à prendre des mesures d’urgence, comme l’approvisionnement en eau par camions, pratique dont l’empreinte carbone est elle aussi désastreuse ! Ce déclassement est préjudiciable à la qualité de services que les usagers sont en droit d’attendre et à l’attractivité des territoires dans la vaste compétition qui se joue entre les régions et les départements pour attirer touristes et investisseurs. »
Travaux ici pour l’eau de là
En pays de Fayence, outre le fait que bloquer l’urbanisme s’apparente à « tourner le dos au développement du territoire et à son avenir, nier les besoins de la population, acter le gaspillage sans fin de l’eau », entre autres constats, la limitation voire le gel de la délivrance des permis de construire et le défaut d’entretien des réseaux sont considérés comme un manque à gagner pour le tissu d’entreprises du BTP. « Cette décision est unilatérale et inacceptable », plaide encore Jean-Jacques Castillon qui réclame à l’inverse de « mener sans attendre des travaux d’envergure pour améliorer les infrastructures et rendre aux administrés le service qu’ils sont en droit d’attendre, de mettre en place un nouveau PLU [Plan local d’urbanisme, NDLR] qui impose des règles précises et déterminées collectivement pour prendre en compte la pénurie en eau dans les futurs projets immobiliers, comme l’impose la loi économie circulaire du 10 février 2020, plutôt que de tout bloquer, de rétablir le dialogue avec les acteurs économiques du territoire, de faire confiance au secteur de la construction pour innover et réfléchir ensemble à un développement durable du territoire ».
Et le président de la Fédération de demander au préfet du Var et aux élus locaux d’agir pour le rétablissement des conditions de ce dialogue au plus vite et d’être associé aux avancées espérées. En quelque sorte, mieux vaut effectuer les travaux ici que perdre l’eau de là.