Ligne d’eau, ligne d’horizon... comme toutes les villes portuaires, Marseille regarde vers le large. Cette ouverture est symbolisée par son port, nœud d’échanges et de commerce qui a façonné sa forme urbaine. Si l’effervescence industrialo-portuaire s’est développée au nord, à l’abri d’une longue digue, la rade s’étire au sud, jusqu’aux portes du parc des Calanques. Cette bande littorale en surplomb de la mer a pour fil d’Ariane la corniche, longue promenade vouée à l’automobilité dans les années 60. Un ruban de bitume ourlé d’un banc de béton. « Le plus long du monde », précisent les dépliants touristiques. Cet ouvrage récemment rénové serpente au dessus des flots... avant de couler en pente douce jusqu’aux plages du Prado, paradis des baigneurs gagné sur l’eau à la fin des années 70. Entre industrie et villégiature, tout Marseille est là, relié par un fil qui marque la frontière entre terre et mer.

Transparence
Cette lisière panoramique est au fondement du projet architectural qui compose le nouveau stade nautique du Roucas Blanc. Actuellement en plein travaux afin d’être prêt pour le coup d’envoi des régates des jeux olympiques et paralympiques Paris 2024, cet équipement s’inscrit dans la trame paysagère du littoral. « On propose une série de cinq bâtiments aux fonctions diverses dont la forme accompagne l’aréna qui enserre l’anse du Prado », explique Stephan Bernard, architecte dirigeant de l’agence Carta-Reichen et Robert & associés auteur du projet avec l’agence Rougerie+Tangram. Dans une forme de symétrie autour de l’entrée, à l’axe depuis le rond-point de l’avenue Kennedy, les volumétries se jouent de l’horizontalité pour exprimer une nouvelle topographie en résonnance aux buttes des plages du Prado. Tout est à la fois orienté vers la mer et protégé, à l’épreuve du climat.
Cet ourlet bâti prend soin du voisinage : « On a veillé à ce que la volumétrie en rez-de-chaussée préserve une transparence visuelle sur le stade nautique et au-delà sur le paysage maritime », ajoute l’architecte. A l’exception du bâtiment du pôle de l’équipe de France de voile, qui forme la proue visible du complexe en front de mer, les autres écrins se fondent dans la ligne d’horizon.
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Le stade nautique du Roucas Blanc, un équipement pérenne
« Si l’olympiade est le catalyseur du projet, son horizon va bien au delà de 2024 », argumente le concepteur. Le grand large plutôt que le court terme. Exit le spectre du stade éphémère, énième éléphant blanc qui serait venu peupler le cimetière de ces ouvrages tombés dans l’oubli sitôt baissé le rideau de la grande manifestation sportive. « Les JO offraient l’opportunité de doter Marseille d’un équipement pérenne dont l’héritage s’étirera bien au delà des épreuves olympiques », insiste Stephan Bernard. La flamme olympique est l’occasion pour la cité fondée par des marins venus de Phocée d’ancrer la voile dans son territoire. « En lieu et place de l’ancienne base construite de bric et de broc au fil du temps, on aura demain un vrai pôle mêlant les usages avec notamment un pôle de formation ouvert aux gamins des quartiers qui n’ont jamais eu l’occasion d’embarquer sur un optimist », déroule l’architecte. Cet espace sera flanqué d’une série d’éléments (vestiaires, magasins de stockage, restaurant, bureaux, ateliers de réparation...) nichés dans des édifices qui s’enroulent dans l’arc de cercle de la baie du Roucas Blanc. La nouvelle base abritera également une fonction régalienne puisque l’un de ses bâtiments hébergera l'unité de sécurisation et de protection du littoral de la police nationale (USPL).
Trait de côte
Cette nouvelle base polyfonctionnelle jouxtera un glacis pentu où seront installés les bateaux et autres dériveurs. Marquant le rivage, la marina se lira de manière subreptice depuis la mer comme un trait d’union entre la plage et la corniche.
« Depuis le large, on perçoit le trait génial de la corniche avec son ombre portée qui souligne le rivage. La base s’immisce dans cette ligne d’horizon terrestre, avec ses toitures qui ondulent légèrement comme le banc de la corniche. Elle en reprend la trame invisible, agissant comme son prolongement linéaire », décrypte l’architecte.
Depuis la mer, le front bâti ne percute pas la vue : « La transparence est le maître mot du projet. L’infrastructure n’occulte aucune perspective. L’horizon est dégagé ». Il est même remis en scène avec l’aménagement du tronçon entre la plage du Prado et l’hôtel qui se trouve en surplomb de la base. « On a simplement reconstitué la ligne brisée avec des grands débords de toiture qui prolonge cette ombre », résume Stephan Bernard.
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Matérialité et sobriété
La discrétion a également concerné le parti constructif. Résistance, sobriété plutôt que la futilité. « L’ancrage du projet dans la roche affirme sa pérennité. On a privilégié la matérialité à la grandiloquence », martèle le concepteur. L’ensemble des constructions est posé sur des colonnes ballastées ancrées dans le sol qui a été au préalable renforcé.
Rayon matériaux, le choix s’est porté sur des matériaux bio-sourcés à faible empreinte environnementale. « La Ville ne souhaitait pas trop de bois en apparent pour des raisons d’entretien. On a opté pour un mélange béton/alu. Le bâti dispose d’un ancrage en béton bas carbone aux teintes claires qui fait écho à la grande minéralité du site. Il est coiffé de toitures végétales dont les essences endémiques proches de celles qui poussent dans la rocaille des calanques ont été choisies par Stoa, notre paysagiste », décrit l’architecte. Pour se protéger des agressions des éléments (vent, iode et humidité), les concepteurs ont imaginé un système de vantelles en aluminium laqué. « Les accès aux divers bâtiments sont à l’abri du vent. Et les ouvertures sont réduites au strict minimum côté mer », précise Stephan Bernard.

Un devis de 21,4 M€
Reste un dernier défi à relever : l’échéancier hyper serré du chantier. Après quelques retards à l’allumage inhérents aux négociations entre les collectivités et l’Etat, les travaux ont démarré fin 2021. Avec en ligne de mire l’été 2023 et le premier test event, grande répétition générale qui doit permettre aux athlètes et aux voileux de régater sur le plan d’eau marseillais un an avant les JO.
Pour accélérer le mouvement, la Ville de Marseille a opté pour un marché de conception-réalisation. Ce marché confié au groupement associant Travaux du Midi (Vinci Construction, mandataire) et les agences d’architecture Carta-Reichen et Robert & Associés et Rougerie+Tangram se monte à 21,4 millions d’euros HT. Un investissement relativement modique pour un équipement appelé à rester en héritage. « Marseille est une des rares métropoles à disposer d’un bassin d’évolution de plus de 5 hectares au cœur de son tissu urbain. L’anse du Roucas Blanc s’étire sur près de 480 mètres. Et peu de villes côtières ont la chance de posséder une marina de cette dimension », s’enthousiasme Stephan Bernard. Contrairement aux pistes de bobsleigh bâties à grands frais pour les JO d’hiver, ce stade nautique méditerranéen aura encore des pratiquants quand les glaciers auront fini de fondre...
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Six bâtiments pour la base du Roucas Blanc
La base du Roucas Blanc regroupe six édifices posés tout autour de la baie.
Le premier bâtiment livré fin février accueille le pôle France Voile. Il est dédié à l’entrainement et la préparation des athlètes de haut niveau. Cet écrin d’environ 3 800 m2 comprend sur son flanc sud une aire logistique et de stockage : dépose de matériel, accueil des conteneurs en cours d’armement pour les déplacements lors des compétitions.
Les bâtiments 2 et 3 sont les espaces dédiés à l’accueil du public et à l’encadrement pédagogique de l’école de voile municipale. Ils regroupent le magasin du matériel nautique, les vestiaires, des espaces nécessaires à la formation des stagiaires (briefs, avant sorties en mer ou au retour, et enseignement théorique) et une salle pour la prise de repas des jeunes stagiaires lors de l’accueil à la journée.
Le bâtiment 4 accueillera des activités nautiques avec des zones de stockage et des vestiaires/douches/sanitaires, ainsi que des locaux réservés aux associations. Cet ouvrage accueillera également une loge de gardien positionnée à proximité de l’entrée avec une vue à la fois sur le parvis et sur l’intérieur du site.
Le bâtiment 5 accueillera le pôle technique : des ateliers et leur stockage pour l’entretien de la base et le stockage logistique du dispositif plage et des postes de secours.
Sur le secteur nord, le bâtiment Courbet existant (bâtiment 6) sera réhabilité pour accueillir l’Unité de Surveillance et de Protection du Littoral (USPL, dépendant de la Police Nationale), ainsi que le Parc National des Calanques, constituant ainsi un pôle institutionnel.
Fiche technique :
Maître d'ouvrage : Ville de Marseille
Surface : 8 500 m2 de surface de plancher
Conception-réalisation : Travaux du Midi - Vinci Construction (mandataire)
Architectes : Carta-Reichen et Robert & associés / Rougerie+Tangram
Paysagiste : Stoa
Bet : BG / Marshall Day / R2M