Nom de code : « M99 ». « M » comme « Marseille » ou « Méditerranée ». « 99 » comme l’altimétrie du building qui grattera le ciel à 99 mètres au-dessus du niveau de la mer. Premier projet de tour d’habitation lancé depuis le début des années 70 dans l’Hexagone, cet Immeuble de grande hauteur (IGH) porte la griffe de Jean-Baptiste Pietri, architecte qui a succédé à son père Marc à la barre de Constructa Les Editeurs urbains, promoteur de l’opération Les Quais d’Arenc.
Vingt ans déjà…
M99 constitue en effet la dernière brique de ce programme ambitieux lancé par Marc Pietri au début de ce siècle. En 2002, lors de la présentation de ce projet de quelque 80 000 mètres carrés appelé à darder sur les nuages à la place d’anciens entrepôts portuaires (les entrepôts Transcausse), l’opération s’appelle SAS Suède, du nom de l’ancienne société propriétaire du site (un hectare). Alors que l’œuvre de revitalisation urbaine d’Euroméditerranée n’en est qu’à ses prémices, le pari est à la fois architectural et économique : « Il s’agissait de faire de la verticalité dans une ville pauvre qui attirait peu les investisseurs », rembobine Jean-Baptiste Pietri.
A l’époque, le projet agrège trois IGH de respectivement 135, 113 et 99 mètres de haut et un immeuble de taille plus modeste (30 m de haut) posé sur un parking souterrain de 700 places le long des quais du port (90 000 m2 au total). Vingt ans avant le ZAN (Zéro artificialisation nette), Marc Pietri fait le pari de la densité. « Puisqu’elle ne peut plus s’étendre à l’horizontale, la ville doit s’intensifier et miser sur la verticalité », plaide Jean-Baptiste qui repris le projet en route.
Une tour après l’autre
Pas toujours facile de faire œuvre de pionnier. Avoir raison trop tôt se paie souvent au prix fort. Le défi lancé par le fondateur de Constructa va se révéler diablement compliqué. Entre la signature des premiers permis de construire en 2008 et la livraison programmée du dernier lot du projet (espérée pour la fin 2027), près de vingt ans se seront écoulés…
Flash-back. Premier à être sorti de terre en 2015, le Balthazar, barre de bureaux de huit étages (11 500 m2) conçue par Roland Carta (agence Carta-Reichen et Robert Associés), protège l’îlot des nuisances de la passerelle autoroutière qui surplombe les quais du port de commerce.
La Marseillaise, la tour tricolore signée Jean Nouvel, a été inaugurée en 2018. Ce gratte-ciel tertiaire dialogue avec ses voisines qui forment la nouvelle skyline d’Euroméditerranée : la tour Jacques Saadé (147 m), siège de la CMA CGM signé Zaha Hadid, et la tour Mirabeau, immeuble de bureaux de 85 mètres dont l’armateur et Bouygues Immobilier achèvent la construction.
La troisième brique des Quais d’Arenc sera livrée en juillet… sous une forme radicalement différente de celle qui était prévue à l’origine. En 2008, lorsque le préfet signe le permis de construire du programme, la skyline doit s’étoffer avec une tour de 113 mètres signée Yves Lion. Marc Pietri rêve de dédier cet IGH baptisé « Horizon » à l’hôtellerie. La crise des dettes souveraines aura raison de l’ambition.
Le fondateur de Constructa confie le coup de rabot à son fils. Celui-ci dessine un écrin de moins de 50 mètres (17 niveaux), juste en dessous des normes de sécurité draconiennes qui s’imposent aux IGH. Identifiable aux voûtes qui rythment ses façades de béton blanc, le projet rebaptisé « La Porte Bleue » accueille une résidence hôtelière (Odalys) et une soixantaine d’appartements de standing dans les six étages supérieurs dont les propriétaires recevront les clefs le mois prochain.
De H99 à M99
Restait donc la dernière pièce du programme. Une tour entièrement résidentielle qui aura elle aussi dû subir les assauts de la conjoncture. A l’origine, le M est un H : l’IGH s’appelle « H99 ». Scindée en trois volumes tenus par deux grandes voiles, qui sont à la fois un élément structurel, l’exosquelette, et aussi un immense moucharabieh protégeant les loggias du soleil et du vent, H99 doit accueillir 149 appartements (18 000 m2 de plancher) commercialisés à des prix aussi élevés que ses derniers étages.
« En 2010/11, après la crise de 2008, la façade maritime n’avait pas les grands équipements dont elle dispose aujourd’hui. Le cinéma, l’Hôpital européen, les Terrasses du port, le Mucem… n’étaient encore que des projets », rappelle Jean-Baptiste Pietri.
Ce manque d’aménités n’avait pas empêché la commercialisation de H99 de démarrer sur les chapeaux de roue : « On avait très vite enregistré une trentaine de réservations… puis tout s’est arrêté brutalement après le krach financier », se souvient le patron de Constructa.
Retour à la planche à dessin. « Le projet initial était très dessiné. On l’a simplifié. » Le sésame originel étant caduque, l’opérateur a dû déposer une demande de permis modificatif. « On a conservé les fondamentaux : l’emplacement, la hauteur et le découpage en trois blocs avec trente niveaux », précise l’architecte. Mais la programmation a évolué pour s’adapter aux nouveaux contextes politique et post-covid.
« La volumétrie est restée la même, mais nous avons revu le programme avec une offre diversifiée qui mixe les typologies et les usages et tient compte des enjeux de la RSE », égrène-t-il.
Mixité
Les six premiers niveaux de M99 accueilleront une résidence sociale étudiante de 95 studios (21 m2 en moyenne) exploitée par Fac-Habitat. Celle-ci sera acquise par Erilia en Usufruit locatif social (ULS) quand des investisseurs achèteront la nue-propriété des biens à prix décoté.
Les huit étages intermédiaires seront occupés par un hôtel 4 étoiles de 130 chambres, couronné par un restaurant avec terrasse panoramique (au 12e étage).
Enfin, les dix-sept étages de la partie supérieure de l’immeuble accueilleront 40 logements libres built-to-rent* et 72 logements en accession vendus à des prix gold pour ce secteur de Marseille : entre 8 500 et 13 500 euros/mètre carré (hors parking).
« On proposera des appartements plus grands que la moyenne, au-delà des recommandations de la charte de la construction durable de la ville : des T1 de 39 mètres carrés, des T2 de 53 mètres carrés, des T3 de 79 mètres carrés et des T4 de 116 mètres carrés », indique Jean-Baptiste Pietri.
Pour acheter le duplex de 200 mètres carrés avec sa terrasse XXL (92 m2) perché aux deux derniers étages de la tour, il faudra signer un chèque replet : 2,8 millions d’euros ! En dépit de ces prix himalayens qui contrastent avec la morosité du marché immobilier, le promoteur affiche sa confiance : il n’a « aucun doute sur le succès de la commercialisation du programme ».
Plein la vue
Contrairement aux normes constructives des gratte-ciel, ces logements feront la part belle aux extérieurs avec des terrasses et des loggias de 2,15 mètres de profondeur. Les vues mer seront évidemment l’atout numéro un des appartements en altitude. « On habitera la vue », résume le promoteur. Pas question de masquer le panorama. Exit les traditionnels volets roulants : « On installera des doubles rideaux comme dans les hôtels, et les fenêtres accordéon offriront une ouverture totale sur l’extérieur », ajoute Jean-Baptiste Pietri.
Le toit de l’IGH, traité en mode rooftop avec jardin suspendu (330 m2), sera accessible aux résidents des logements libres.
La tour ne sera pas posée sur un socle comme imaginé dans le projet H99. « Elle sera de plain-pied avec des entrées différentes pour chaque composante de l’immeuble », décrit l’architecte.
La construction de cette tour reprendra les schémas déployés sur sa voisine de La Porte Bleue : « Une partie de la structure en béton blanc bas carbone sera préfabriquée hors site et assemblée sur place », explique l’architecte.
Thassalia, la boucle de thalassothermie opérée par Engie, fera souffler le chaud et le froid dans le bâtiment. Ce raccordement permettra de réduire de 70 % l’émission de gaz à effet de serre de l’immeuble par rapport à un IGH classique.
* Le build-to-rent est un nouveau modèle immobilier qui vise à construire des logements à louer sur des périodes plus longues, à un tarif tout compris, avec des services intégrés et une plus grande flexibilité pour les locataires. En plein essor, cette forme d’investissement immobilier qui se concentre sur le marché des logements locatifs est un modèle émergent de financement de l’immobilier spécifiquement destiné à l’investissement à long terme, à la location et à la gestion des logements.
M99 en détails
- Maître d’ouvrage : Constructa Les Editeurs urbains
- Maître d’œuvre : Jean-Baptiste Pietri
- 99 mètres de hauteur
- 17 300 m2 de surface de plancher
- Six étages dédiées à la résidence sociale étudiante (95 logements)
- Huit étages pour l’hôtel, de 130 chambres et une capacité de 450 personnes pour le restaurant et sa terrasse
- 17 étages pour les logements, du T2 au duplex
- Le plus grand duplex proposera 200 m2 de surface et 120 m2 de terrasse
- 57 logements mis en vente à partir du 29 juin
- Un rooftop aménagé en jardin suspendu et réservé aux habitants de M99
- M99 est le 4e acte des Quais d’Arenc après le Balthazar, La Marseillaise et La Porte Bleue, soit 81 746 m2 de bâti développés par Constructa Les Editeurs urbains en 10 ans
- Coût des travaux : 50 M€
- Ouverture des ventes : 29 juin 2023
- Début des travaux : été 2024
- Livraison : 2e semestre 2027