TPBM : Pouvez-vous nous présenter l’activité de votre société 360 SmartConnect ?
Rolland Melet : Le cœur de métier de 360 SmartConnect est la traçabilité dans le domaine de la construction. Concrètement, cela se fait par l’identification de tout ou partie d’un ouvrage, que cela soit une porte, une fenêtre, un bâtiment complet ou un ensemble de bâtiments, en y ajoutant un identifiant interactif qui permet d’interagir avec les données associées à l’objet. C’est ce que l’on appelle un "jumeau numérique".
Cela permet ensuite d’enregistrer et de suivre les informations relatives à l’ouvrage afin que tous les intervenants autour de ce dernier, qu’il s’agisse d’artisans, d’architectes ou de contrôleurs, puissent disposer d’informations correctes et à jour sur le bâtiment. Qui a réalisé quoi et à quelle date, qui est le fournisseur, quel est le contrat d’assurance de tel ou tel artisan, etc.
Depuis le 1er janvier 2023, un carnet d’information du logement est devenu obligatoire* et c’est ce que propose 360 SmartConnect depuis des années.
Comment avez-vous développé la solution que vous proposez aujourd’hui ?
A l’origine, j’étais spécialisé dans les équipements sportifs atypiques, les skateparks, puis je suis passé au mobilier urbain avec l’ambition de le "connecter". C’est à ce moment-là qu’il a fallu développer un service numérique pour relier les objets avec leurs données et de permettre un accès très facile à ces informations. Par exemple, si l’objet est une statue, il faut scanner un QR code ou s’approcher d’un tag NFC** avec un smartphone et cela permet d’accéder à un mini-site web qui affiche les informations relatives à la statue.
A l’époque où nous avons souhaité réaliser ce genre de choses, aucune solution n’existait ni aucun fournisseur de ce type de service, à savoir l’intermédiation entre un objet et des données, et nous avons donc décidé de le créer nous-même. C’est ainsi qu’est né 360 SmartConnect en 2016.
Comment s’est passée la période de recherche et développement avant la mise sur le marché de votre solution ?
Nous sommes en permanence en R&D. Au début, nous avons constitué à nos frais nos premiers prototypes, puis nous les avons améliorés au fil du temps, et ils s’améliorent encore aujourd’hui. On a beaucoup parlé du béton connecté et du travail qu’il a fallu mener pour insérer une puce NFC dans du béton, mais le défi principal que nous avons relevé avec 360 SmartConnect est de développer toute l’infrastructure numérique qui permet d’associer des objets et des paquets de données via une URL unique. Et le second défi est d’arriver à lier cette infrastructure numérique aux usages de la construction et à faire en sorte que cette innovation intègre la réglementation.
C’est pour cela qu’au-delà des aspects purement techniques, il a fallu s’approcher des institutions nationales comme la Capeb (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment) ou la Fédération française du bâtiment (FFB) avec nos premiers prototypes pour leur présenter nos solutions. Je suis également actif au sein de GS1 qui gère l’identification code barre au niveau mondial, mais aussi Building Smart qui est l’association internationale qui standardise BIM [pour Building Information Management, NDLR] c’est-à-dire tout ce qui associe le numérique au BTP, cela dans le but de créer un standard des échanges de données au sein de la construction sur la base de notre innovation. Enfin, nous travaillons actuellement à une norme ISO à partir de ce que 360 SmartConnect a inventé.
Est-il difficile d’imposer une telle innovation dans le domaine du bâtiment ?
C’est difficile car c’est un milieu qui est très conservateur et il a fallu démontrer l’intérêt qu’il y avait à s’ouvrir à des solutions techniques et à des échanges entre acteurs. Il faut savoir que le système français du bâtiment est assez particulier, notamment avec la loi Spinetta qui date de 1978. Elle a fixé la responsabilité des constructeurs et leur a imposé deux assurances : la dommages-ouvrage et la garantie décennale. Sur un chantier, chaque corps de métier étant responsable de ce sur quoi il travaille, la conséquence de la loi de 1978 a été un cloisonnement de l’information par les artisans eux-mêmes pour éviter autant que possible de voir leur responsabilité engagée en cas de problème.
Mais aujourd’hui, avec des sujets comme la maîtrise de l’empreinte carboneou l’efficacité de la rénovation énergétique, le bâtiment doit passer d’une logique où tout le monde travaille dans son coin à une collaboration réelle et une circulation de l’information entre tous les intervenants. Et notre travail est d’informer et d’éduquer le milieu de la construction sur tous les bénéfices qu’ils peuvent retirer de cette méthode de collaboration via l’outil numérique.
* Le Carnet d’information du logement (CIL) concerne les logements neufs dont le permis de construire ou la déclaration préalable a été déposé(e) depuis le 1er janvier 2023. Il concerne également les logements existants faisant l’objet de travaux de rénovation ayant une incidence directe sur leur performance énergétique depuis cette date.
** NFC (Near Field Communication) est une technologie qui permet d’échanger des données entre un lecteur et n’importe quel autre terminal compatible ou entre les terminaux eux-mêmes.