AccueilEconomieLa Ville de Marseille présente la version 2 de sa stratégie de l’habitat

La Ville de Marseille présente la version 2 de sa stratégie de l’habitat

Marseille prépare ses deuxièmes états généraux du logement et s’apprête à voter une série de mesures techniques intéressant le secteur du logement. Neuf délibérations ont été présentées le 16 octobre.
Eric Mery et Patrick Amico, élus de la Ville de Marseille présentent les deuxièmes états généraux du logement.
Robert Poulain - Eric Mery et Patrick Amico, élus de la Ville de Marseille présentent les deuxièmes états généraux du logement.

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Trois semaines avant la saison 2 des états généraux du logement (programmés le 7 novembre), Patrick Amico, adjoint délégué à la politique du logement et Eric Méry, conseiller municipal spécial délégué à l'urbanisme et l'aménagement durable ont présenté à la presse ce 16 octobre les neuf délibérations traitant de l’habitat qui seront au menu du conseil municipal ce 20 octobre. Ces mesures où la technique le dispute au réglementaire disent en creux les faibles marges de manœuvre de la municipalité* sur cet enjeu qui intéresse le quotidien des habitants et de ceux qui aspirent à le devenir.

« Ce sont des mesures techniques qui ont toutes leur cohérence. Mais une politique du logement ça ne se réfléchit pas à six mois. Il faut cinq à dix ans pour en voir les effets », a prévenu, d’emblée Patrick Amico.

Six mois après le limogeage de Mathilde Chaboche, l’ancienne adjointe à l’urbanisme porteuse du sombrero de l’arrêt de la construction (HLM) dans Marseille, le message subliminal des deux élus était le suivant : montrer que l’urbanisme et le logement sont désormais unis dans une même stratégie. « Le signe d’une reprise en main de ces questions », a avoué Eric Méry. Cet œcuménisme tranche avec les trois premières années de la mandature printanière où le talent de Mathilde Chaboche avait préempté le débat sur ce sujet politiquement sensible. Au point de cristalliser les rancœurs des acteurs de la chaîne de l’habitat...

28,5 M€ d’aides sur 6 ans pour le logement social

A défaut d’esquisser une véritable vision éclairant le projet urbain et la politique foncière de la majorité de Benoît Payan, l’avocat et l’ancien directeur d’ICF Méditerranée ont tenté d’expliciter le contenu de ces délibérations marquées pour la plupart d’entre elles du sceau de la complexité.

La première concerne un des talons d’Achille du bilan de mi-mandat de l’actuelle municipalité : le logement social. Alors que pour la première fois du bilan SRU le préfet a menacé la ville de Marseille d’un constat de carence pour insuffisance de production HLM, la municipalité compte dégainer « un nouveau cadre d’intervention pour dynamiser la production de logements sociaux ». Une feuille de route volontariste assortie d’« un nouveau règlement d’aides en faveur du logement locatif social ». La ville propose de mettre en place « un guide de programmation en faveur de l’accès au logement pour tous ». Priorité au logement familial, à la mixité sociale et à la production pérenne de logements... sans oublier d’encourager l’accession sociale à la propriété et l’intermédiation locative dans le parc privé. Ce guide embrasse large. Au risque du « qui trop embrasse... » ?

La seconde partie est plus précise : alors qu’elle négocie avec l’Etat la mise au point du futur contrat de mixité sociale qui fixera les objectifs de production sociale, la municipalité a prévu d’inscrire dans son budget 2024 une enveloppe de subventions de 28,85 millions d’euros sur six ans (2024-2029) pour les bailleurs sociaux. Soit un peu moins de 5 millions par an pour favoriser les opérations HLM en acquisition-amélioration, l’innovation sociale (pensions de familles, habitat inclusif) et la réalisation de logements PLAi adaptés ou à loyer minoré. L’intermédiation locative de son côté bénéficiera d’une aide de 1,5 million d’euros sur la même durée (soit 250 K€ / an).

Le seuil de mixité sociale abaissé

Cet effort accompagne l’évolution réglementaire annoncée dans la troisième modification du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI). « En 2024, dès l’entrée en application de cette nouvelle version du document, toute opération d’au moins trente logements devra compter 30 % de logements sociaux », souligne Eric Méry. Fruit d’un long bras de fer avec la métropole qui a la main sur les PLUI, cet abaissement du seuil de mixité sociale devrait permettre à la deuxième ville du pays d’atteindre l’objectif de produire 2 300 logements sociaux par an inscrit dans le plan local de l’habitat (PLH) métropolitain.

Un PLH lui aussi dans sa dernière ligne droite administrative. A en croire l’élu à l’urbanisme, les opérateurs immobiliers ont anticipé la mesure : « La majorité des dossiers que nous instruisons font l’effort d’intégrer 30% de logements conventionnés », affirme-t-il. Volonté de montrer patte blanche ou pragmatisme dans un contexte économique qui voit la clientèle des primo-accédants exclue du marché faute d’accès au crédit bancaire ? Comme à chaque crise du cycle immobilier, les organismes HLM apparaissent comme des clients solvables qui permettent aux promoteurs d’écouler une partie de leur stock. La conjoncture explique sans doute cet engagement solidaire anticipé...

2 000 logements autorisés dont 49 % d’HLM

Les chiffres attestent du marasme : selon Eric Méry, 2 000 logements ont été autorisés dans Marseille depuis le début de l’année, dont la moitié de logements sociaux (49 %). Un rythme éloigné de l’ambition de 4 500 logements annuels affichée dans le PLH. Certes, à ces 2 000 logements ayant reçu un sésame administratif, il convient d’ajouter les 3 700 en cours d’étude de faisabilité (dont un tiers d’HLM) annoncé par le successeur de Mathilde Chaboche. « Mais peut être que tous ces dossiers n’iront pas à leur terme », nuance aussitôt l’élu. Bref, il y a encore loin de la coupe aux lèvres.

Il faudrait que Marseille produise 6 000 logements par an... (Photo F. D.)

Car comme le rappelle Patrick Amico, « il faudrait produire 6 000 logements par an dans Marseille pour satisfaire les besoins » de la population qui affiche un solde naturel positif. « Or, le PLUi actuel présente un potentiel de seulement 3 500 logements », insiste le Mr Habitat de la ville. La crise profonde qui frappe de plein fouet la sphère immobilière en ce moment n’est pas propice à une relance. Et par ricochet, c’est le logement social, premier maillon de la chaîne de l’habitat qui en subira les effets délétères : 70 % de sa production s’effectue par le truchement des ventes en état futur d’achèvement (Vefa) de pans entiers ou partiels de programmes montés par les promoteurs privés.

Le décret sur l’encadrement des loyers attendu pour 2024

Ce décalage accroît les tensions. « On recense désormais 50 000 demandes de logements sociaux dans la ville », soupire Patrick Amico. Pour apaiser les tensions qui paralysent le marché locatif, la municipalité tente d’activer des leviers réglementaires. Le plus spectaculaire est l’encadrement des loyers. Voté par la métropole à la suite des premiers états généraux du logement, la mesure avait reçu un avis favorable du ministre du logement de l’époque, Olivier Klein. Reste toutefois à lever quelques grains de sable réglementaires : « Olivier Klein souhaitait sécuriser le dispositif afin qu’il ne soit pas rendu obligatoire dans d’autres communes métropolitaines présentant les mêmes caractéristiques inflationnistes que Marseille », expose l’élu au logement.

En clair et sans décodeur : le gouvernement ne voudrait pas que la dérogation marseillaise ouvre une brèche dans laquelle ne manqueraient pas de s’engouffrer d’autres communes. Et prêter derechef le flanc aux inévitables recours contentieux que ne manqueront pas de déposer les agents immobiliers et les administrateurs de biens rétifs face à une mesure qu’ils considèrent comme pire que le mal qu’elle est censée combattre.

Course d’obstacles

« Pour que l’encadrement entre en vigueur, il convient d’avoir un PLH approuvé. Ce n’est pas encore le cas. Il faut également dresser une cartographie des loyers par micro-zone afin de fixer les loyers de référence servant à l’encadrement », décrypte l’élu. La ville va donc passer commande à l’Adil des Bouches du Rhône, gestionnaire de l’observatoire local des loyers (OLL) pour établir cette sur-collecte des données auprès de 1 900 biens locatifs gérés en direct par les bailleurs privés marseillais (contre 700 pour les données de l’OLL). « Cette surcollecte devra être déclenchée fin 2023 afin d’établir les loyers de référence à la fin du premier semestre 2024 et rendre l’encadrement enfin opérationnel », espère Patrick Amico.

Dans cette course d’obstacle, l’élu affirme pouvoir compter sur le soutien du successeur d’Olivier Klein, Patrick Vergriete. Lors de son passage à Marseille pour le congrès de l’Unis mi septembre, le nouveau ministre du logement ne s’était pas déclaré opposé à la mesure. Le décret entérinant l’encadrement n’attend donc plus que la promulgation officielle du PLH. Une échéance attendue pour le premier trimestre 2024. « Cela va dans le sens de la décentralisation de la politique du logement que souhaite promouvoir Patrick Vergriete », martèle l’élu. Signe de la fumée blanche : l’Etat a accepté de financer l’étude (à hauteur de 60 %, soit 28 200 euros) pour la surcollecte que va réaliser l’Adil, la ville prenant en charge le solde (18 800 euros). Or, cette photographie n’a de raison d’être que si l’encadrement entre en vigueur... « Tous les voyants ne sont pas passés à l’orange... », souffle l’adjoint au logement.

Haro sur les meublés touristiques

Autre cheval de bataille : les meublés touristiques. Même si avec près de 12 000 logements proposés à la location touristique le phénomène semble marginal rapporté aux quelque 450 000 logements du parc marseillais, la municipalité compte renforcer le dispositif régulateur mis en place en 2021. Alors que le nombre de meublés type Airbnb a augmenté de 23% entre 2021 et 2022 (de 9 600 annonces à 11 800) malgré l’encadrement dégainé par la ville, celle-ci veut créer un observatoire dédié à la veille de cette offre courte durée. Cette vigie elle compte la prolonger avec la mise en orbite d’« une brigade de contrôle de quatre à cinq agents » à même de traquer les fraudeurs. « Nous ne sommes pas Saint-Malo. Les meublés touristiques se concentrent sur certains secteurs du centre ville, Le Panier, les 1er, 6e, 7e et 8e arrondissements », égrène Patrick Amico.

L’observatoire sera donc chargé de cartographier « micro-secteur par micro-secteur » l’évolution et notamment « les changements d’usage des logements » de ce marché particulier qui cible les visiteurs extérieurs. Reste que ces mesures aussi bien intentionnés soient elles peinent à freiner l’essor de cette nouvelle offre. Et pour cause : la loi très libérale en la matière contient peu de garde-fous.

La vraie régulation passera par la loi. Patrick Vergriete a dit qu’il était favorable à une harmonisation du régime fiscal des meublés sur celle des logements familiaux. Mais les amendements des députés qui proposaient d’inscrire cette réforme dans le projet de loi de finance 2024 ont été retoqués par le gouvernement. Tant que l’Etat tiendra ce double discours, ce sera compliqué », grogne l’élu.

* L’habitat est une compétence de la métropole Aix-Marseille-Provence.

La ville adhère (enfin) à la convention multisites habitat EPF/Métropole

Fin 2017, la métropole AMP et l’établissement public foncier de Provence-Alpes-Côte d’Azur (EPF Paca) ont paraphé une convention multisites visant la production de logements sociaux sur le territoire métropolitain. Ce protocole était assorti d’une enveloppe de 85 millions, abondé de 10 millions de plus en mars 2022. Cette convention, les 92 communes d’AMP avaient la possibilité d’en territorialiser plus finement le champ d’intervention par des conventions subséquentes, sorte de déclinaison locale de la convention multisites métropolitaine.

Alors que ce protocole arrive à échéance le 13 décembre 2023, la ville de Marseille s’est enfin décidée à y adhérer. Cette décision gravée dans le marbre d’une délibération « permettra à l’EPF d’acquérir sur le territoire marseillais, par voie amiable ou via préemption, des fonciers bâtis ou non bâtis pour ensuite les céder à des opérateurs permettant la production de logements sociaux à court terme », indique la délibération. Cette intervention de l’instrument de régulation foncière sera centrée sur les secteurs déficitaires en HLM, ceux qui comptent moins de 15 % de logements sociaux, à savoir les 4e, 5e , 6e, 7e, 8e et 12e arrondissements. « Mais l’EPF pourra également intervenir dans d’autres quartiers disposant de moins de 15 % d’HLM », précise Patrick Amico.

Reste que l’engagement semblera tardif. La délibération tente de relativiser ce retard à l’allumage en rappelant que la ville maintiendra son engagement « lorsque l’EPF et la Métropole poursuivront le dispositif ». En clair, en renouvelant leur partenariat au delà du 13 décembre 2023. A priori, compte tenu du trou d’air que connaît la production HLM, les probabilités que la convention soit prorogée sont proches de... 100 %.

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