Difficile de le manquer quand on passe le long de la corniche Tamaris. Il est construit tellement proche de la mer Méditerranée que, lorsqu’on le regarde en bateau depuis la baie, sa façade blanche de style ottoman se reflète dans l’eau. L’Institut de biologie marine Michel Pacha à La Seyne-sur-Mer a été retenu le 16 mars par la Mission patrimoine comme site "emblématique" de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. C’est la première fois qu’un projet varois est choisi depuis le lancement de celle que l’on appelle également la Mission Stéphane Bern. Déployée par la Fondation du patrimoine et soutenue par le ministère de la Culture et la Française des Jeux, elle a pour objectif de sauvegarder le patrimoine français en péril. Chaque année, 18 sites – un par région – sont sélectionnés pour bénéficier d’un accompagnement de la Mission patrimoine. Un accompagnement financier, dont le montant sera dévoilé en septembre pour l'Institut de biologie, mais aussi en matière d’expertise, de visibilité etc.
Christophe Favrelle, responsable de la délégation varoise de la Fondation du patrimoine énumère : « Plusieurs critères ont conduit à cette décision favorable : l’importance de l’Institut dans l’histoire locale, son intérêt architectural avec une identité forte, son besoin en travaux – si rien n’est fait, son existence sera remise en cause –, et enfin son utilisation après travaux. » Une fois ceux-ci terminés, le lieu deviendra un Centre de congrès ou de séminaires scientifique international (le nom n’a pas encore été défini), accueillant des colloques, séminaires donc mais aussi des chercheurs en résidence ou même des start-up.
L'Institut de biologie abandonné depuis les années 2000
Construite à la fin du XIXe siècle, la bâtisse de 570 m2 a été conçue par l’architecte suisse Paul Page pour son ami Michel Pacha sur une parcelle lui appartenant. Pourtant, celui que l’on surnomme "le bâtisseur" n’occupera pas le lieu : il le lègue à la faculté des sciences de Lyon, à laquelle est rattaché un autre de ses amis, Raphaël Dubois. Ce dernier mène des recherches sur l’émission de lumière par les êtres vivants : cela deviendra la mission principale de l’Institut. Un second bâtiment de 540 m2, plus en retrait par rapport à la corniche, est construit en 1968. Mais petit à petit, la faculté de sciences devenue Université Claude Bernard Lyon 1 se désengage, la thématique de la luminescence étant abandonnée. Si bien que le site est désaffecté depuis 2008, si ce n’est le 1er étage du bâtiment principal qui accueille le CNRS.
Depuis, il n'était plus entretenu. D’autant que le projet a été stoppé en raison de difficultés judiciaires, les descendants de Michel Pacha en réclamant la propriété. « Nous ne savions donc pas si nous pouvions consacrer un budget ou non. Mais dès l’instant où la justice a tranché en nous désignant comme pleinement propriétaires [en 2018, NDLR], nous avons voté les textes pour adopter le budget nécessaire », rappelle Ruben Vera, vice-président plateformes et conseiller technique aux grands équipements à l’Université Lyon 1. « Le soutien de la Mission patrimoine est un atout pour la qualité de notre projet car elle va nous permettre de convaincre des mécènes pour consolider le financement », poursuit-il depuis la cour de l'Institut, lors d'une visite presse organisée le 17 mars.
Rénovation et reconstruction
Le chantier comprend deux aspects. Le bâtiment historique va faire l’objet d’une importante rénovation. L’extérieur est fortement dégradé. « Sur la façade arrière, la mise en œuvre d’enduits ciment en partie basse des murs a entraîné l’apparition d’importantes remontées capillaires », note la Fondation du patrimoine dans un communiqué. Quant à l’intérieur, si l’Université Claude Bernard compte conserver au maximum les cheminées, boiseries, éviers en marbre, portes etc., le sol doit par exemple être entièrement déposé, les circulations modifiées... pour le transformer en un Centre de congrès/séminaires. Le bâtiment plus moderne sera quant à lui démoli et un nouveau sera reconstruit sur la même emprise au sol. Il accueillera des hébergements mais aussi un restaurant. L'aménagement paysager sera lui aussi repensé.
La volonté est également d’ouvrir le lieu aux habitants, de façon ponctuelle lors des Journées européennes du patrimoine, ou de façon plus récurrente avec le restaurant par exemple mais cela reste encore à définir.
Le coût des travaux est estimé à 6 millions d’euros, financés pour moitié par l’Université Claude Bernard, pour l’autre par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Métropole Toulon Provence Méditerranée, certainement le Département du Var et donc la Mission patrimoine pour le bâtiment historique. Une souscription pourrait également être lancée via la Fondation du patrimoine afin de boucler le budget.
Le centre de congrès, un potentiel d’attractivité
La consultation de maîtrise d’œuvre sous la forme d’un concours sur esquisse a été lancée en septembre 2022. Après une première phase de sélection de cinq candidats, le projet lauréat a été retenu le 3 mars. « C’est magnifique, une évidence », se réjouit Frédéric Guinneton, vice-président à la recherche de l’Université de Toulon. « Nous devons désormais négocier avec l’équipe lauréate. La notification de maîtrise d’œuvre sera annoncée en juin prochain », explique Ruben Vera. C'est à ce moment-là que seront dévoilés les détails plus précis du projet de rehabilitation ainsi que les premières esquisses. S’en suivra une phase d’études d’un an, puis une consultation travaux de juillet à novembre 2024 avant de commencer le chantier en décembre 2024. D’une durée de 14 mois, il doit se terminer en janvier 2026 selon le calendrier prévisionnel.
Le site sera exploité par un Groupement d’intérêt public regroupant l’Université Claude Bernard Lyon 1, la Ville de La Seyne-sur-Mer et l’Université de Toulon-La Garde. « L’Université de Lyon étant, de fait, éloignée, notre rôle sera de contribuer à faire vivre le lieu », détaille Frédéric Guinneton. L'université toulonnaise dispose de deux laboratoires de biologie marine, MAPIEM et MOI et organise chaque année une dizaine d’événements scientifiques, colloques, congrès etc, qui pourront ensuite se tenir à Tamaris, plutôt que dans des amphis. « Nous pourrons aussi accueillir des chercheurs pour des missions de longue durée grâce à la partie logement », se réjouit-il. Un besoin qu’avait déjà identifié l’Université : les chercheurs internationaux doivent aujourd’hui séjourner à l’hôtel. Un tel lieu pourra donc renforcer l’attractivité de l’université et de la rade.
Ce projet s’inscrit dans le cadre du plan d’aménagement de la corniche Tamaris, dont le montant est estimé à 30 millions d’euros et « que la Métropole Toulon Provence Méditerranée doit amorcer de manière imminente », souligne la maire de La Seyne-sur-Mer, Nathalie Bicais. Un quartier que Michel Pacha avait profondément transformé lors de son arrivée à la fin du XIXe siècle.