Il faut monter au Salon de l’Agriculture pour découvrir qu’il y a une part de Provence dans la vie quotidienne d’Ovalie, la vache mascotte star de l’édition 2023 : le foin de Crau, et l’eau de la Durance dont il est abreuvé. Voilà pour la carte postale. Mais le grand rendez-vous de la Porte de Versaille, à Paris, au-delà de l'indéniable aspect festif, c’est aussi le moment de mettre sur la table les grandes problématiques de la profession. D’ailleurs, André Bernard, le président de la Chambre régionale d'agriculture de Paca ne s’est pas fait faute de les rappeler, mardi 28 février, lors de l’inauguration de l’Espace Sud qui, pour la première fois, réunissait les six départements de Paca.

Ainsi, après que Renaud Muselier eut coupé l’inévitable ruban, et après s’être félicité de la qualité du travail des agriculteurs provençauxet azuréens attestée par quelque 860 médailles décrochées lors du Concours général 2022, leur "patron" n’a pas caché qu’il y avait quelques sujets "sensibles" tels que l’installation des jeunes agriculteurs et, bien sûr, « la disponibilité impérative en eau sécurisée ». L’eau, depuis le début de la semaine, c’est même le sujet numéro un sur l’ensemble des stands. « Nous sommes une région en avance sur les autres », reconnaît certes André Bernard, qui se tourne alors vers Renaud Muselier pour le remercier « de la mobilisation des fonds européens et nationaux pour développer cette sécurisation en eau ». Mais il sait aussi qu’il reste beaucoup à faire dans la perspective de futurs étés caniculaires et de pluies qui se raréfient tout au long de l’année.
La région Paca présente en force au Salon de l’agriculture
« Nous devons savoir économiser et partager l’eau, mais pour cela encore faut-il qu'elle arrive », poursuit le président André Bernard.
Dans un contexte comme celui-ci, il s’agit également «... d’améliorer l’efficience de nos pratiques agricoles. Nous y travaillons au sein de nos stations expérimentales avec les instituts techniques et les chambres. Et nous accompagnons les agriculteurs dans l’instauration de ces nouvelles pratiques ».

Renaud Muselier connaît ses classiques
Une chose semble sûre : en matière de raréfaction de l’eau, Renaud Muselier a révisé ses classiques. Ce qui lui fait dire que, dans la région qu’il préside, on aurait heureusement pris de l’avance. « Ici, nous avons des problèmes d’eau depuis des centaines d’années. Les Romains ont fait des aqueducs, et nous devons à nos prédécesseurs les barrages de Serre-Ponçon ou de Sainte-Croix. Nous avons aussi mis en place la société du canal de Provence, grâce à laquelle l’eau est arrivée à Marseille, jusqu’au Palais Longchamp ». Et le bon docteur Muselier va même jusqu’à citer Pagnol et son Manon des sources qui nous renvoient aux difficultés que connaissait Aubagne en matière d’eau.
Pour un partage de l'eau équitable dans les Hautes-Alpes et en dehors
Tout cela pour dire que : « Nous avons cette culture de l’absence de l’eau. Et grâce à elle, si le problème se pose à nous de plus en plus brutalement, il ne faut pas pour autant en avoir peur. D’abord parce que nous en sommes conscients et que nous avons des moyens de lutte ». Il y a bien sûr ceux que possède tout un chacun, tels que la sobriété et la solidarité. Et puis il y a les moyens techniques qui devront être mis en œuvre. «En juin, nous aurons des assises régionales de l’eau. Parallèlement, avec la société du canal de Provence, nous levons près de 650 M€ (et nous irons jusqu’à 800) pour faire en sorte que le Var, les Bouches- du-Rhône et le Vaucluse soient irrigués, notamment en luttant contre les fuites ».

Mais surtout, le président Renaud Muselier lâche que la Région devrait profiter d’une expérimentation comme il n’en a encore jamais été menée en France, en matière de gestion et de traitement des eaux usées. Jusqu’à aujourd’hui, ces eaux, une fois traitées, sont rejetées en mer ou dans les cours d’eau. Selon lui, il faudra pourtant, à l’image d’autres pays, réinjecter ces eaux dans les circuits. « En Espagne, 25 % des eaux usées sont retraitées et recalibrées. Et encore, ce n’est rien à côté d’Israël, où je vais me rendre très prochainement, où 80 % des eaux usées sont retraitées. »
« 2023, sera chez nous l’occasion de la mise en place, département par département, et bassin versant par bassin versant, d’un dispositif pour diagnostiquer comment on peut faire en sorte d’utiliser l’eau usée traitée pour laver nos rues, nos usines ou pour laver nos voitures. »
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Le président Muselier l’a assuré ce mardi à Paris, en plein Salon de l’agriculture, « La prise de conscience est réelle, les moyens financiers sont là, reste à mettre en place une organisation des ressources humaines et techniques ». C’est quand même un travail de Romain !