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Mal logement : la Fondation Abbé Pierre sonne le tocsin en Paca

La Fondation Abbé Pierre s’inquiète de la pénurie de logements sociaux dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Un déficit qui fait le lit du mal logement.
Aude Lévêque, chargée de mission et Francis Vernède, directeur régional de la Fondation Abbé Pierre.
W. A. - Aude Lévêque, chargée de mission et Francis Vernède, directeur régional de la Fondation Abbé Pierre.

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Les files d’attente pour accéder à un logement social en Provence-Alpes-Côte d'Azur s’allongent s’alarme la Fondation Abbé Pierre. « En 2022, plus de 206 000 demandes d’HLM étaient en souffrance dans la région, chiffre en hausse de 17% par rapport à 2018 », a indiqué Francis Vernède directeur régional de la Fondation Abbé Pierre lors d'une conférence de presse ce 18 octobre.

Paca, une des régions les plus tendues sur le logement

Les Alpes-de-Haute-Provence (+23%), les Alpes-Maritimes (+21%) et les Bouches-du-Rhône (+18%) accusent les plus fortes hausses. Avec quelque 23 500 logements sociaux attribués en 2022, la région reste « l'une des plus tendues en matière d'attribution de logements locatifs sociaux », observe Aude Lévêque, chargée de mission à la Fondation Abbé Pierre. Conséquence, les demandeurs doivent s’armer de patience avant de recevoir les clefs de leur HLM.

« Seulement 10% des demandes de logement obtiennent satisfaction dans les Bouches-du-Rhône et les Alpes-Maritimes » et « une sur neuf dans le Var », note Aude Lévêque. Des niveaux très éloignés de la moyenne du pays : dans l’Hexagone, un logement social est attribué pour six demandes (soit un taux de satisfaction de 16%).

84 communes carencées en Paca

Corollaire de cette tension : avec l’Île de France, Paca reste le mauvais élève de la loi SRU : selon la FAP, 84 communes de la région devraient faire l’objet d’un arrêté de carence préfectoral, faute d’avoir respecté les obligations légales de production d’HLM au cours de la période 2020-2022. Un chiffre en hausse d’une unité par rapport à la dernière période triennale. Les trois départements littoraux recensent l’essentiel des retardataires : 36 communes des Bouches-du-Rhône sont passibles d’une carence, 24 dans les Alpes-Maritimes et 17 dans le Var.

Le nombre de sans abris en hausse

Cette faiblesse du premier maillon de la chaîne du logement frappe évidemment de plein fouet les plus pauvres qui peinent à dégoter un toit décent dans le parc privé. « Et la situation devrait s’aggraver avec la baisse de la production de logements », s’inquiète Francis Vernède. Le directeur régional de la FAP brandit le spectre d’une « crise silencieuse » car « la précarité ne hurle pas », soupire-t-il. Ce silence assourdissant est pourtant une réalité bien visible : « entre 2020 et 2022, il y a un tiers de demandes en plus de personnes qui ont appelé le numéro dédié pour être hébergées parce qu'elles sont à la rue », note le directeur.

Cette hausse cache de forts contrastes selon les départements : dans le Var, le nombre de demandes a bondi de 58%. Même tendance dans les Bouches-du-Rhône (+38%), le Vaucluse (+38%) et les Hautes-Alpes (+35%). Le chiffre par contre n’a quasiment pas bougé dans les Alpes Maritimes (+6%). Une stabilité que la FAP met sur le compte non pas d’une progression de l’offre d’hébergement mais du découragement des demandeurs. « Face à l’engorgement des structures, les personnes à la rue ne se tournent plus vers les dispositifs de droit commun », analyse Francis Vernède.

Un Dalo mal respecté

Dans ce contexte, la Fondation fustige la mauvaise application du droit au logement opposable (Dalo). Le taux d’acceptation des recours Dalo va de 35% dans les Bouches-du-Rhône à 14% dans les Hautes Alpes. « C’est notoirement insuffisant », se désole le directeur régional de la FAP qui pointe « un respect à géométrie variable selon les départements de ce droit le plus fondamental ».

Pour sortir de l’ornière, la Fondation alerte, à l’unisson de la Cour des comptes, sur l’importance de mobiliser davantage les contingents réservataires de logements sociaux autres que celui de l’État (Action Logement, collectivités, bailleurs sociaux) au bénéfice des ménages reconnus prioritaires au titre du Dalo. Et l’Etat lui même ne donne pas l’exemple selon la Fondation : « il ne mobilise pas suffisamment son contingent de 25% au service des ménages éligibles au Dalo », râle Francis Vernède. Un reproche qui rejoint le constat établi par le Haut Comité pour le droit au logement.

Mal logement et conséquences sociales

Ces carences des pouvoirs publics font le lit du mal logement. Un phénomène qui se perçoit dans le niveau de suroccupation des logements : entre 2013 et 2019, le ratio de logements suroccupés est demeuré proche de 7% en Paca, deux points au dessus du taux national (4,6%). Avec un pic au delà de 10% dans les Alpes Maritimes, symptôme de l’extrême tension du marché immobilier azuréen.

« Dans la région, un demandeur sur cinq est hébergé chez un tiers, 25 000 ménages sont hébergés chez un parent et 15 000 sont hébergés chez un particulier », égrène Francis Vernède.

Cette embolie du marché a des répercussions en cascade sur la qualité de vie des habitants : « un logement suroccupé génère des problèmes de santé, des soucis de suivi de scolarité chez les enfants », pointe le directeur régional de la FAP.

Cette litanie des dérives renvoie à une autre réalité sociologique souvent mise sous le boisseau par les élus : avec 850 000 de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, soit un taux de 17% supérieur de deux points à la moyenne du pays, Paca est l’une des régions parmi les plus inégalitaires de France. Alors que les prix du parc privé atteignent des sommets dans de nombreuses communes de la bande littorale et de l’arrière pays, les pauvres subissent et paient au prix fort la faiblesse du parc HLM régional.

« Le logement est le premier poste de dépenses des ménages. Pour beaucoup, il est impossible de se loger sans s’appauvrir », cingle Francis Vernède. Et pour les plus pauvres, dénicher un toit est une chimère. Faute de logement privé, ceux-là sont privés de logement...

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