Les actionnaires peuvent changer mais les projets de transformation persister. Kem One est la propriété du fonds d’investissement américain Apollo qui l’a racheté à Alain de Krassny, à l’origine du redressement de l’entreprise. Au moment de l’acquisition fin 2021, le financier avait promis qu’il poursuivrait « la stratégie de croissance et la modernisation des sites de production pour en limiter l’impact sur l’environnement ». Ce 19 septembre, les dirigeants de Kem One ont pu montrer aux institutionnels et aux salariés qu’ils tenaient parole.
L’événement visait à marquer la mise en service d’un nouveau bac de stockage d’éthylène de 30 000 m3 (à – 104 degrés) associé à un terminal dédié qui sécurise les approvisionnements du site sur la production de CVM (chlorure de vinyle monomère), ingrédient de base pour la fabrication de PVC, utilisé ensuite dans l’emballage, la construction, le médical… Il a permis aussi de baptiser, par la main de la présidente de la Compagnie Nationale du Rhône, Laurence Borie-Bancel, deux barges à motorisation hybride (diesel-électrique) vouées à transporter sur le Rhône depuis cette année des matières premières entre Fos et le site Kem One de Saint-Fons, en région lyonnaise.
Ce choix doit éviter l’émission de plus de 2 000 tonnes de CO2 par an. L’exploitation des embarcations, construites par Teamco Shipyard (Pays-Bas) a été confiée pour dix ans à CFT Gaz, filiale du groupe Sogestran. Vingt millions d’euros ont été dépensés pour les deux équipements.
Un procédé renouvelé
Mais le plus gros projet du site, équivalent à 150 millions d’euros sur une enveloppe de 200 millions d’euros, concerne la future salle d’électrolyse à membrane qui transformera, dans un but plus écologique (- 16 % de consommation électrique, - 36 % de gaz naturel et – 50 000 tonnes de CO2 par an), le procédé à diaphragme utilisé depuis 1976. L’installation, dénommée Elyse, sera mise en service en 2024 et fonctionnera à partir de deux sources de sel, la saumure issue du sel gemme de la saline de Vauvert (jusqu’alors exclusivement utilisée dans le procédé à diaphragme) et du sel solide de Méditerranée, produit à Salin-de-Giraud par Salins du Midi.
Grâce à cette technologie, Kem One pérennisera à Fos la production d’hydrogène bas carbone dont il est devenu le 1er producteur français (16 000 tonnes par an en combinant les deux sites de Lavera et Fos). France 2030 a apporté 15 millions d’euros à cette réalisation stratégique pour la zone industrialo-portuaire. « Ce projet va positionner KemOne de manière encore plus compétitive qu’auparavant et deviendra l’un des plus performants en Europe » assure Paolo Barbieri, directeur général du groupe qui emploie près de 370 salariés.
La preuve d’une "révolution" en marche
Le maire de Fos, René Raimondi, salue ces efforts pour remodeler et relancer une usine qui avait bien failli disparaître. « Elle est un vrai symbole de résilience » dit-il, désireux de la voir contribuer à l’émergence d’un « destin inédit pour la décarbonation de notre zone », en continuant à développer d’autres synergies avec les industriels actuels et futurs, notamment autour de la plateforme d’innovation PIICTO.
Au nom de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Anne Claudius-Petit se réjouit de l’utilisation du fleuve, encore trop négligé à ses yeux, pour acheminer des productions avec un impact environnemental plus réduit qu’avec des poids lourds. Une décision que la présidente de la CNR perçoit comme « une marque de confiance » qui peut en inspirer d’autres sur l’ensemble de l’axe Méditerranée-Rhône-Saône et accompagner sa réindustrialisation.
Quant au Préfet de Région, Christophe Mirmand, il juge que Kem One, par ses investissements massifs, atteste d’une « volonté d’enracinement » sur le territoire à un moment où se profilent, selon lui, 10 à 12 milliards d’euros d’investissements industriels dans les dix à quinze ans, potentiellement générateurs de plus de 10 000 emplois. « Ici, s’opère une révolution industrielle, avec la décarbonation, les énergies renouvelables… » ose-t-il. Un défi de taille dont il faudra convaincre les populations pour ne pas voir les porteurs de projets s’éloigner ailleurs… René Raimondi s’y attèle déjà, dès ce 20 septembre, avec une réunion publique au théâtre de Fos.