AccueilTerritoiresJean-Michel Arnaud : « Nous voulons réintroduire de la liberté locale sur la gestion de l'eau »

Jean-Michel Arnaud : « Nous voulons réintroduire de la liberté locale sur la gestion de l'eau »

Alors qu'Emmanuel Macron viendra annoncer son plan eau à Savines-le-Lac, ce jeudi 30 mars, le sénateur haut-alpin Jean-Michel Arnaud plaide pour redonner aux communes la liberté de choisir leur mode de gestion en matière d'eau.
Jean-Michel Arnaud, sénateur des Hautes-Alpes.
M.-F. Sarrazin - Jean-Michel Arnaud, sénateur des Hautes-Alpes.

Territoires Publié le , Propos recueillis par Marie-France SARRAZIN

TPBM : Vous avez écrit une tribune dans le JDD, signée par 144 sénateurs, demandant un plan national sur l'eau. Pourquoi cette tribune, pourquoi maintenant ? N'est-ce pas un peu tard ?

Jean-Michel Arnaud : La gestion locale et différenciée de la compétence eau et assainissement demeure un élément crispant des relations entre les collectivités locales et l'Etat. La loi Engagement et proximité a assoupli les conditions d'exercice et de compétence, laissant un certain nombre de modalités à la main des collectivités locales. Mais sur certains territoires, comme celui de Gap-Tallard-Durance, ces assouplissements ne suffisent pas et génèrent des difficultés patrimoniales, comptables, opérationnelles, de gestion courante des réseaux et des contentieux avec la direction générale des finances publiques pour le règlement des factures. Face à cela, avec un certain nombre de collègues sénateurs, nous avons mis en place une stratégie à plusieurs niveaux.

En quoi consiste-t-elle ?

Trois propositions de loi ont été déposées. Le groupe RDSE a présenté un texte le 16 mars dernier. Je me suis rallié à la démarche qui consistait à rendre possible l'exercice d'une liberté locale. Nous n'enlevons rien à ceux qui souhaitent faire en intercommunalité ou à ceux qui se sont organisés en lien avec un Sivu [Syndicat intercommunal à vocation unique, NDLR] préexistant à la loi. Nous laissons simplement la liberté aux collectivités locales de s'organiser comme elles l'entendent. Et parmi ces hypothèses, la possibilité de garder dans un cadre communal l'exercice de cette compétence. Cela peut aussi se dérouler à l'échelle d'un bassin de vie, d'un Sivu ou par des voies de convention de livraison d'eau. Nous voulons réintroduire de la liberté locale. Le 16 mars, la proposition de loi a été votée par 80 % des sénateurs ; la ministre à la Ruralité et aux collectivités locales ne nous a pas répondu. Tout est résumé : on a un dialogue de sourd.

Nous avons écrit cette tribune dans le JDD pour rappeler que la question s'inscrivait dans un contexte où la gestion de l'eau devient stratégique. Nous nous sommes ratés sur le nucléaire, tâchons de ne pas reproduire ce schéma sur la gestion de l'eau. S'il doit y avoir des objectifs de qualité, nous y souscrivons. Nous demandons à ce que l'Etat, qui en fait une priorité nationale, accepte de jouer le jeu via ses Agences de l'eau, quel que soit le mode de gestion local. Nous allons enfin lancer un manifeste pour demander à tous les maires de France de soutenir auprès du gouvernement cette exigence de liberté.

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Et après ?

Le Sénat a fait son travail. Il nous faut trouver à l'Assemblée nationale un groupe politique ou de parlementaires qui reprenne notre texte, que les deux assemblées votent en termes identiques un texte qui devienne la loi. Charge au président de la République de la promulguer avant le 1er janvier 2026, date butoir pour les intercommunalités de mise en place du nouveau dispositif.

Est-ce qu'il y a un espoir ? Comme l'aurait dit Jean-Pierre Raffarin, la pente est raide et la voie est étroite... J'ai l'impression qu'un acteur majeur est contre nous : l'administration centrale. D'un autre côté, la feuille de route du président de la République, dans le cadre du débat sur les retraites, c'est d'écouter davantage ce qui se passe dans les territoires. Chiche ?

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Le sénateur des Hautes-Alpes Jean-Michel Arnaud propose au Département d'instaurer un pôle eau, en appui aux collectivités locales. (Crédit : Marie-France Sarrazin)

Pensez-vous que garder la compétence eau à l'échelle communale soit plus efficace et moins coûteux ?

Si on considère que ce dossier a été mal géré par les communes, qu'on nous le dise ! La doxa portée à son zénith par la loi Notre, consiste à voir XXL, à mutualiser en vue de réaliser des économies et d'être plus efficaces. Nous sommes plutôt pour une doxa rééquilibrante qui consiste à dire : « Ne sous-estimez pas la force d'innovation, d'adaptation des élus locaux dès lors qu'on leur laisse la faculté de le faire, la confiance et les moyens ». Dans les communes rurales, les maires connaissent bien leur réseau, peuvent le faire réparer ou quand il y a une intervention plus lourde faire appel à un artisan local. Si les communes bénéficient des subventions de l'Agence de l'eau, elles arriveront à rénover leur réseau. Après, en contrepartie, il faut des exigences de qualité, de limites de pertes d'eau et il n'est pas normal que, dans les Hautes-Alpes il y ait encore une dizaine de communes sans compteur d'eau.

Quel est l'état des réseaux en France ? Sont-ils en très mauvais état ?

Ça dépend. Parfois, certains élus refusent l'intercommunalisation car ils ont modernisé leur réseau et n'entendent pas payer pour ceux qui ne l'ont pas encore fait. Ça s'entend, mais ce n'est pas un bon argument pour moi. Il faut faire preuve de solidarité et d'exigence. J'entends aussi les opposants au transfert de la compétence eau dire qu'il y a un risque de confier la gestion à des grands groupes. Ce n'est pas le sujet principal. Ce qui m'importe, c'est que les choix soient faits par les conseils municipaux. Que les 17 communes de l'agglomération Gap-Tallard-Durance aient décidé à l'unanimité de ne pas transférer l'eau à l'intercommunalité, vous ne trouvez pas qu'il y a un problème ?

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Cet état de sécheresse alarmant a conduit à l'organisation d'Assises de l'eau. Pour vous, est-ce de la poudre aux yeux ?

La bonne nouvelle, c'est que le sujet de la souveraineté française de l'eau revient sur le haut de la pile. Pourquoi ? Car la question du recul glaciaire va monter en puissance et car il faut remettre l'église au milieu du village. Si on veut éviter des conflits majeurs dans les territoires, il faut traiter le sujet dans un temps long, que les élus, les bénéficiaires et usagers de l'eau, les industries, les agriculteurs, les citoyens se mettent autour de la table. Il faut mettre des objectifs de gestion économe de la ressource - avec une conscientisation citoyenne à forcer -, avancer en matière de recherche agronomique, et parvenir à protéger nos rivières et nos captages d'eau. Il faut aussi redéfinir des solidarités amont-aval et bien sûr les modalités fiscales.

Ne serait-il pas pertinent de travailler sur la ressource en eau, que l'on connaît mal ?

Il faut monter en technicité. On a la chance d'avoir le Syndicat mixte d'aménagement de la Vallée de la Durance qui dispose de connaissances et de compétences pour mieux comprendre ce qui se passe aujourd'hui et anticiper demain. Les Agences de l'eau ont un rôle important, dès lors qu'elles se mutent en partenaires pour trouver des solutions et pas en prescripteurs de contraintes. Transformons-les en alliées. Il paraît judicieux aussi que le Département instaure un pôle eau, de réflexion, d'analyse, d'ingénierie en appui aux collectivités locales pour documenter le sujet. Car nous aurons besoin de cette compétence fine pour équilibrer la puissance des intérêts du sud de la région Paca. N'arrive au Sud que ce qui passe par chez nous. Par l'objectivation des faits, il s'agit d'éviter les postures car on sent bien que la guerre de l'eau est là. Il faut créer des modes de régulation.

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