AccueilEconomieGolfe de Fos : 800 M€ pour que le courant continue de passer

Golfe de Fos : 800 M€ pour que le courant continue de passer

RTE envisage de réaliser une nouvelle ligne aérienne de 400 000 V entre le poste électrique de Jonquières et les bassins portuaires pour répondre aux futurs besoins de l’industrie dans le golfe de Fos à l’horizon 2028.
« Il faut rechercher le projet de moindre impact », insiste Gilles Odone, directeur régional RTE Méditerranée.
D. R. - « Il faut rechercher le projet de moindre impact », insiste Gilles Odone, directeur régional RTE Méditerranée.

EconomieBouches-du-Rhône Publié le ,

« On ne pourra pas faire la transition énergétique avec un réseau qui date des années 1970 » : ce verdict sans appel est signé Gilles Odone, délégué RTE Méditerranée. Alors pour atteindre les objectifs fixés dans la 2e Programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2028 (PPE 2) - réduction de 40 % des émissions des gaz à effets de serre, de 20 % de la consommation, de 30 % des énergies fossiles et parvenir à 33 % d’énergies renouvelables -, l’entreprise chargée d’éclairer les politiques publiques en la matière a présenté ses propositions pour le territoire ce jeudi 16 mars en préfecture de région à Marseille. Une réunion où, outre le préfet de région, étaient notamment présents Renaud Muselier, président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, et René Raimondi, le maire de Fos-sur-Mer.

Sur fond de guerre en Ukraine, l’année 2022 a modifié la donne à plus d’un titre, avec une envolée du prix du gaz, l’affirmation d’un désir de souveraineté énergétique pour être moins dépendant du gaz russe, ou encore la volonté d’accélérer la décarbonation de l’économie.

Dans ce contexte, « on pressent une forte augmentation de la consommation d’électricité, souligne Gilles Odone. Or, cette électricité, il va falloir la produire. Cela passe par de nouveaux moyens de production. »

Et en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’alimentation d’un secteur est particulièrement cruciale : la zone industrialo-portuaire de Fos, qui pèse aujourd’hui 41 500 emplois directs et indirects. Une priorité devenue nationale puisque l’Etat s’est positionné en l’érigeant, au même titre que Dunkerque (Nord), comme l’une des deux Zibac de France, alias Zones d’industrie bas carbone. « C’est le premier port français. Il faut absolument maintenir l’activité et permettre à d’autres industriels de venir s’implanter », résume le délégué régional de RTE.

Une capacité résiduelle insuffisante

Or, c’est loin d’être une mince affaire. En effet, même si les chiffres restent à affiner, l’entreprise de service public anticipe une demande supplémentaire de consommation d’électricité de l’ordre de 5 000 à 8 000 MW sur la région, dont 5 000 à 6 000 MW pour le golfe de Fos. Un chiffre à rapprocher des 900 MW qui constituent la consommation actuelle sur le secteur. « Aujourd’hui, l’alimentation est assurée par deux lignes de 400 000 V, plus le réseau de 225 000 V. Ainsi, la capacité d’alimentation de la zone portuaire est de 1 500 MW, c’est-à-dire qu’on dispose d’une capacité résiduelle de 600 MW », détaille Christophe Berassen, directeur du Centre de développement et ingénierie Marseille de RTE.

Avant d’enchaîner : « Autrement dit, les nouvelles demandes de raccordement de 5 000 à 6 000 MW, une tendance forte, dynamique, sont dix fois supérieures à la capacité résiduelle », décrypte-t-il.

Ces demandes émanent de trois catégories d’industriels : des historiques du périmètre qui vont engager la transition de leurs processus énergétiques (l’électricité remplacera le gaz, le pétrole ou le charbon), ceux qui souhaitent produire de l’hydrogène vert, et sur fond de souveraineté économique réaffirmée, ceux qui souhaitent venir se réimplanter sur la zone de Fos.

Autre donnée à prendre en compte, la région ne produit aujourd’hui localement que 40 % de l’énergie qu’elle consomme. Quant au mix énergétique, il doit être amélioré puisque certains mois de l’année (décembre-janvier), les énergies renouvelables ne représentent que 20 % de l’énergie consommée. En outre d’ici 2050, les centrales de gaz ne pourront plus produire d’électricité alors que quatre d’entre elles alimentent aujourd’hui le golfe de Fos.

Les besoins en électricité des industriels de la zone industrialo-portuaire de Fos vont fortement augmenter dans les années à venir. (Crédit : Jean-Christophe Barla)

Un scénario en trois phases

Autant d’éléments qui renforcent le besoin de nouveaux moyens de production, d’autant que le développement des énergies renouvelables locales ne pourra que partiellement couvrir cette croissance des besoins électriques. Impossible également de s’appuyer sur le seul réseau existant. « Les volumes vont largement augmenter à certains endroits. Les lieux de départ et les lieux d’acheminement sont également différents de ce qu’ils étaient dans les années 1970 », précise Gilles Odone.

Alors pour répondre à ces nouvelles demandes de consommation d’électricité, RTE envisage un scénario en trois phases. Tout d’abord, pour répondre aux premières demandes, évaluées à 600 MW à l’horizon 2024, l’entreprise prévoit de mobiliser la capacité résiduelle de production, qui se chiffre à elle aussi à 600 MW. Soit une première échéance qu’on pourrait qualifier de « relativement simple ». Ensuite, pour satisfaire les 600 MW supplémentaires anticipés à l’horizon 2026, RTE prévoit d’optimiser et de renforcer le réseau existant. « Avec ces ordres de grandeur, la solution passe par une adaptation du réseau en 400 000 V, car ça ne passera pas en 225 000 V », indique Christophe Berassen.

Enfin, last but not least, il faudra répondre à une demande de 4 000 à 5 000 MW supplémentaires à l’horizon 2028. Là, le réseau existant n’y suffira plus.

« Il faudrait créer un nouveau lien électrique entre la vallée du Rhône et la zone de Fos. Vu les volumes, il s’agira forcément d’une liaison aérienne de forte capacité (400 000 V) », explique le directeur du Centre de développement et ingénierie Marseille.

Il s’agirait ainsi de relier sur environ 65 km le poste électrique de Jonquières (Gard) et les bassins de la zone portuaire de Fos. Un ouvrage qui permettrait en outre le bouclage du réseau, ce qui sécurisera l’alimentation électrique de l’ensemble de la région, notamment sa partie est.

Au total, le coût de ces trois étapes et des raccordements nécessaires est aujourd’hui évalué à 800 M€, une estimation qui devra bien entendu être affinée.

Il s’agirait ainsi de relier sur environ 65 km le poste électrique de Jonquières et les bassins de la zone portuaire de Fos. (Crédit : D. R.)

La concertation débute ce 20 mars

Reste désormais à réussir à mener à bien ce projet d’ampleur, dans un timing serré, tout en gérant les questions d’acceptabilité. « Il faut qu’on construise la meilleure des réponses avec les territoires », résume Gilles Odone. Pour ce faire, dès ce lundi 20 mars, les équipes de RTE vont aller à la rencontre des élus et des associations afin d’affiner l’itinéraire de ce nouvel axe aérien de 400 000 V.

« Le trajet est l’objet de la concertation. Il faut rechercher le projet de moindre impact », insiste le délégué régional de RTE.

Dans cette course contre la montre, le projet pourrait bénéficier de la nouvelle loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables votée le 10 mars - le décret en Conseil d’Etat qui doit fixer les conditions d’application n’est pas encore paru -, qui prévoit la possibilité de déroger à la saisine de la Commission nationale du débat public (CNDP). Le timing n’en sera pas moins très tendu et l’enjeu crucial. « Si on ne parvient pas à répondre à ces demandes en 2028, des industriels risquent d’aller s’installer ailleurs, voire certains de quitter le territoire », conclut Christophe Berassen.

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