TPBM : Où en est le grand projet de réaménagement du front de mer entre Fréjus et Saint-Raphaël ?
Frédéric Masquelier : Les travaux vont débuter en octobre prochain, par phases, avec des interruptions du chantier pendant les périodes estivales. C'est une opération de grande ampleur qui représente 65 millions d'euros d'investissements sur un linéaire de 4,8 km. Elle va faire entrer ces lieux emblématiques de notre agglomération dans le XXIe siècle et nous l'avons mise au point au travers d'une large concertation. Les espaces publics seront agrandis et requalifiés, il y aura une forte végétalisation avec la plantation de plus de 1 000 arbres, les modes de déplacements doux et écologiques seront favorisés avec une navette électrique reliant nos deux villes et nos trois ports.
Depuis 50 ans, notre bord de mer n'avait fait l'objet d'aucune requalification. Nous lançons le projet dans le cadre de notre pacte de gouvernance, en mobilisant en commun nos moyens. Il aurait été en effet absurde, en termes d'unité et de cohérence d'aménagement, d'avoir deux projets séparés, tant le territoire urbain de Fréjus et Saint-Raphaël est lié et continu sur le littoral. Ce projet est porteur d'identité pour nos villes et notre agglomération. Et il est nécessaire de l'engager pour conserver notre attractivité et notre rayonnement, à l'heure où d'autres collectivités proches, comme Cannes ou Sainte-Maxime, ont déjà réalisé ou vont réaliser des travaux d'embellissement de leur zone littorale.
Les collectivités sont plutôt prudentes actuellement sur l'investissement. Estérel Côte d'Azur Agglomération fait le choix inverse en lançant ce projet de grande ampleur. Pourquoi ?
Il s'agit effectivement du plus grand investissement jamais porté par notre EPCI. Avec un tiers d'autofinancement et deux-tiers d'emprunt, nous sommes en capacité de le réaliser. Nous n'avons pas voulu, dans la période actuelle, sacrifier l'investissement mais au contraire préparer l'avenir avec un projet structurant. J'ai souhaité toutefois que l'opération, pour minimiser son impact pendant les travaux, s'étale sur une période une peu plus longue que prévue. Ce sera sur cinq ans au total, de l'automne 2023 à fin 2028. Sans bien sûr modifier les caractéristiques du projet et en conservant les aménagements majeurs prévus : la casquette du front de mer côté Saint-Raphaël vieille de 50 ans sera entièrement détruite et reconstruite, un parking souterrain de 400 places à 13 millions d'euros sera réalisé sous la place de la République à Fréjus Plage, l'empreinte de la voiture sera réduite au profit des espaces publics.

Vous avez choisi un paysagiste local pour concevoir ce projet. Est-ce que sa réalisation sera également accessible aux entreprises de BTP régionales ?
Effectivement, nous avons confié, au terme d'un concours qui a attiré de nombreux candidats, la maîtrise d'oeuvre à Vincent Guillermin, architecte-paysagiste implanté à Saint-Raphaël. Ce dernier a une forte expérience de ce type d'opération avec des réalisations récentes et de grande qualité à Menton, La Grande Motte, Cannes, etc. Pour les marchés de travaux, nous allons les lancer prochainement. L'idée est effectivement que les entreprises locales puissent prendre part à la réalisation de ce projet et son étalement dans le temps le permettra. Ceci étant, nous serons très exigeants sur la qualité des prestations et la dévolution des marchés se fera par tranches successives de travaux pour garantir justement cette qualité de réalisation.
Ce projet vous laisse-t-il des marges de manœuvres financières pour réaliser d'autres investissements, tant au niveau de l'agglomération que de la ville ?
Absolument, en témoignent les budgets primitifs que nous venons de voter avec des dépenses d'investissements renforcées pour les deux collectivités. Pour la ville de Saint-Raphaël, je souhaite intensifier la requalification et l'embellissement des espaces publics. Nous allons ainsi piétonniser le centre ancien, réaménager le jardin d'Arménie avec un budget de 300 000 euros, mettre en valeur les places dans les quartiers, à Boulouris et à Agay. Ce sont des projets importants qui améliorent le cadre de vie, profitent aux habitants et au-delà participent au renforcement de l'attractivité touristique, commerciale et immobilière de notre territoire.
Pour l'agglomération, nous avons adopté un pacte de gouvernance qui prévoit 100 millions d'euros d'investissements répartis sur la durée du mandat et au-delà avec des projets structurants. Ce sont, outre la Promenade des Bains, le doublement de la RDN7 entre Fréjus et Puget-sur-Argens si on nous donne les autorisations, la protection de la zone de la Palud à Fréjus pour 20 millions d'euros, le développement de trois nouvelles zones d'activités, etc.

La sécurisation et la préservation de la ressource en eau figurent également parmi vos priorités. Quelles actions engagez-vous ?
Je suis préoccupé par la rapidité avec laquelle sont actuellement pris les arrêtés de restriction de l'usage de l'eau. Au niveau de l'agglomération et de la ville, nous n'avons pas attendu les risques de pénurie pour agir. Ces dernières années, d'importants investissements ont été menés pour sécuriser le réseau de distribution d'eau potable et nous atteignons à Saint-Raphaël un rendement de 91 %. En mai prochain, nous mettrons en service un nouveau réservoir au Gargalon pour augmenter nos capacités de stockage d'eau potable. C'est un projet de 4,1 millions d'euros. Nous allons également poursuivre nos investissements sur le réseau, dans le cadre de la nouvelle DSP [délégation de service public, NDLR] eau de l'agglomération, attribuée à Veolia. C'est un contrat de 20 ans qui prévoit 100 millions d'euros d'investissements. Nous agissons également dans l'adaptation et la gestion de nos espaces verts et nous allons développer les solutions de réutilisation des eaux usées.
Que pensez-vous de la décision récente de plusieurs communes du pays de Fayence de geler la délivrance des permis de construire à cause précisément de la sécheresse ?
C'est très regrettable et c'est la conséquence d'un manque d'anticipation. Et je crains que la situation perdure car peu de moyens sont prévus par ces collectivités pour renforcer leur réseau. Il y a là une absence de vision au niveau de l'investissement et ces choix, que je considère politisés, auront des conséquences graves. Ils ouvrent de plus la voie à des recours et à des contentieux juridiques. J'ajoute qu'ils donnent à l'extérieur une image très négative de nos territoires et en menacent l'attractivité. Ce n'est pas ce que nous voulons pour nos villes et notre agglomération et nous ne sommes pas là pour faire de l'écologie punitive.
La sécheresse et le dérèglement climatique entraînent également des risques d'inondation. Quelle est stratégie de votre collectivité ?
A la communauté d'agglomération, nous avons activé la taxe Gemapi [pour la Gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, NDLR] qui nous rapporte 6 millions d'euros par an et nous donne des moyens financiers pour agir ; même si dans ce domaine les contraintes bureaucratiques peuvent être particulièrement fortes. Nous allons par exemple débuter les travaux du bassin de rétention de l'Aspé, un ouvrage écrêteur de crues d'une capacité de stockage de 186 000 m3. Il est destiné à réduire les débits d'entrée dans la Garonne. C'est un chantier de 5,5 millions d'euros et d'une durée de 18 mois. Il est lancé après la création du bassin de Vaulongue, en aval du parc d'activités du Cerceron qui sera achevé dans les prochains mois.

Le projet de construction d'un nouveau siège pour Estérel Côte d'Azur Agglomération est-il toujours d'actualité ?
Oui et nous venons de délibérer pour relancer une nouvelle procédure. Nous avons abandonné le marché global de performance car les propositions des groupements ne répondaient pas à nos attentes et étaient bien trop onéreuses. Nous allons lancer un concours de maîtrise d'oeuvre puis des marchés de travaux pour un équipement de 5 000 à 6 000 m² de surface avec un budget adapté. Le site retenu est un terrain communal de Saint-Raphaël, face à la salle de sports Pierre Clère. Ce nouveau siège fera baisser les coûts de location et de fonctionnement liés à l'éclatement des services et aux consommations énergétiques de l'actuel siège, un bâtiment de type Pailleron des années 70. C'est aussi un pas supplémentaire pour renforcer le sentiment d'appartenance à notre EPCI. Sa réalisation est prévue au début du prochain mandat.
Tour d'horizon des principaux chantiers

Cours Guilbaud, golf de l'Estérel, nouvelle école hôtelière... De nombreux chantiers et projets sont en cours à Saint-Raphaël.
Lancés fin octobre dernier, les travaux du nouveau cours Guilbaud avancent et seront prochainement livrés. Entre le Vieux-Port et la future Promenade des Bains, ce nouvel espace public réalisé par la Ville et confié au cabinet Aurel préfigure le grand aménagement du front de mer qui va s'engager à l'automne. Les travaux ont consisté à installer une dizaine de pergolas bioclimatiques au-devant des commerces, à revêtir le sol de calcaire et de béton désactivé, à poser un long blanc en forme de vague au pied des platanes conservés... Coût de cette opération : 3,4 millions d'euros.
Toujours sur le front de mer, ce sont la digue et les quais du port Santa-Lucia (1,6 km) qui font l'objet de travaux de confortement. Portés par la régie des ports, ils ont débuté cet hiver et s'achèveront en 2024. Ils consistent à consolider les enrochements, à rehausser l'ouvrage de 1,3 m sur une centaine de mètres, à installer un ouvrage brise houle et un mur chasse mer, le tout pour sécuriser le plan d'eau. Coût des travaux : plus de 5 millions d'euros.
Côté équipements sportifs, la ville a prévu d'engager 6 millions d'euros dans la rénovation du golf (communal) de l'Estérel dont le bail arrive à échéance. Ils vont durer deux ans (parcours, arrosage, plantations) et à l'issue, la Ville recherchera un nouvel exploitant. Début des travaux en octobre. Au dernier semestre, devrait également s'engager le réaménagement de l'espace sportif Roland Garros (5 millions d'euros prévus).
Trente millions pour l'Ecole hôtelière de la Côte d'Azur
Côté investissements privés, le grand projet qui se profile à Saint-Raphaël est la création de la future Ecole hôtelière de la Côte d'Azur dans la zone Epsilon. L'opération (plus de 30 millions d'euros) est portée par le groupe LBHC, groupe hôtelier (La Villa Mauresque à Saint-Raphaël) et promoteur, en partenariat avec l'Ecole hôtelière de Lausanne. L'équipement, qui s'étendra sur plus de 6 000 m², a été conçu par l'agence Patriarche mais il y aura aussi 210 logements, dessinés par Jean-Pascal Clément. Le foncier a été vendu par la collectivité, le permis de construire est délivré et les travaux devraient s'engager en début d'année prochaine.
« Ce projet est le fruit d'un partenariat efficace entre le public et le privé et correspond parfaitement aux besoins d'emploi de notre territoire, notamment le management intermédiaire dans l'hôtellerie. Plusieurs centaines de jeunes pourront être formés chaque année », se réjouit Frédéric Masquelier.