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EnvirobatBDM 20 ans et un temps d’avance...

EnvirobatBDM, pôle qui promeut la construction et l’aménagement durable en méditerranée, souffle ses vingt bougies, ce 20 juin 2023, au fort Saint-Nicolas, à Marseille. Le point avec son directeur Frédéric Corset et sa co-présidente Sylvie Détot.
L'Assemblée générale d’EnvirobatBDM se déroule, ce 20 juin 2023, au fort Saint-Nicolas, à Marseille. Elle est suivie des 20 ans de l’association.
EnvirobatBDM - L'Assemblée générale d’EnvirobatBDM se déroule, ce 20 juin 2023, au fort Saint-Nicolas, à Marseille. Elle est suivie des 20 ans de l’association.

Economie Publié le , Propos recueillis par William Allaire

TPBM : En deux décennies, la prise de conscience des enjeux liés au réchauffement climatique a infusé la sphère de l’aménagement et de la construction. Un éveil qui place EnvirobatBDM au cœur des défis auxquels sont confrontés les collectivités et les urbanistes.

Frédéric Corset : Les statuts de l’association ont été déposés en 2003. A l’époque, la création d’Envirobat concrétisait deux années d’échanges informels entre une poignée d’acteurs publics et privés impliqués dans la fabrique de la ville. Envirobat était un centre de ressource où les professionnels partageaient leur expérience. Alors qu’Internet était encore balbutiant, c’était à la fois un forum et un pôle de recherche où maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrage avaient la possibilité d’échanger sur leurs pratiques. Le bioclimatisme était le fil rouge de ces échanges : il s’agissait d’adapter le modèle de la construction passive au climat méditerranéen. Le sujet intéressait surtout les maîtres d’œuvre, en premier lieu les ingénieurs mais aussi quelques architectes.

Sylvie Détot : Il était important d’avoir un lieu de dialogue et de partage des savoirs. Tous les membres fondateurs étaient mus par la volonté de progresser rapidement dans la manière de bâtir avec le contexte méditerranéen. Il existait certes des solutions vertueuses comme le recours aux matériaux biosourcés... mais il manquait une vision globale. La Région Provence-Alpes-Côte d’Azur était très à l’écoute avec le "Codebaque" (comité régional de concertation sur la qualité environnementale des bâtiments) qui avait mis en place une "charte pour la qualité environnementale des opérations de construction et de réhabilitation en régions méditerranéennes". Un petit train s’était mis en marche enclenchant une dynamique collective.

Frédéric Corset, directeur d'EnvirobatBDM et Sylvie Détot, co-présidente. (Crédit : D.R.)

Les référentiels comme la HQE (Haute Qualité Environnementale) ne suffisaient pas à encadrer la démarche d’éco-construction ?

S.D. : La HQE n’embrassait pas la totalité des enjeux. Sur les 14 thèmes qu’elle définissait, seulement deux ou trois appréhendaient les items liés au contexte méditerranéen. Déclinée sur le territoire régional, la HQE n’était pas forcément gage de projet durable... Cette carence a présidé à la création du référentiel "Bâtiment Durable Méditerranéen" (BDM). La démarche BDM va au delà de la simple certification au sens où on l’entend d’ordinaire dans le monde de la construction, à savoir un label qui sanctionne le respect d’objectifs chiffrés en matière énergétique, à l’instar du label "BBC Effinergie". On va plus loin que la conception pour s’intéresser à l’empreinte environnementale globale du bâti, à ses usages. Ce label garantit un niveau de qualité énergétique et environnementale. Il permet de favoriser le bioclimatisme, minimiser l’impact des matériaux, réduire les consommations d’eau et d’énergie pour préserver le confort et la santé des occupants, tout en tenant compte des enjeux sociaux et économiques.

F.C. : A cette exigence de performance, on ajoute la dimension environnementale, plus subjective, qui prend en compte la gouvernance des projets. Le maître d’ouvrage qui s’engage dans la démarche bénéficie d’un accompagnement dès la genèse de son projet. Il est assisté dans la conception de son cahier des charges en partant de l’identification de ses besoins. Cet accompagnement, et c’est là une des originalités de la démarche, se prolonge tout au long de l’opération, avec les maîtres d’œuvre d’abord qui sont chargés de traduire le projet sur la planche à dessin, puis avec les entreprises qui doivent le construire.

L’approche interprofessionnelle qui fonde la démarche cherche avant tout à recréer un lieu de dialogue indispensable entre maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre et entreprises et à sortir des systèmes de certification par tiers pour favoriser une réflexion contextuelle et globale sur les projets.

EnvirobatBDM a longtemps été pionnière dans son approche. L’association semble faire des émules... ?

F.C. : Avec le réseau Ville et Aménagement Durable en Rhône-Alpes, Envirobat a effectivement été le premier centre de ressource à voir le jour en France. En 2005/2007, Paca et Rhône-Alpes étaient les premières régions à proposer des formations qualifiantes aux enjeux de la ville durable. Les personnes qui ont suivi ces formations ont ensuite formé le gros de nos troupes. Il y a quinze ans, c’était une avant-garde qui cherchait des réponses pertinentes pour préparer le bâti au défi du réchauffement climatique. En une décennie, le curseur s’est déplacé de l’économie à l’usage : le confort d’été s’est imposé aux côtés de la réduction de la consommation énergétique en hiver. Et EnvirobatBDM a essaimé sur tout le territoire. Nous avons des cousins dans d’autres régions : Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, Franche-Comté, Bretagne.

Le label BDM évolue-t-il ?

F.C. : Sur les 650 bâtiments que nous accompagnons, il reste encore de belles marges de progression. On vient de sortir la quatrième version du label BDM. Plus exigeant, il anticipe les futurs indicateurs post RE 2020 en 2030. Il pousse les curseurs en matière de biodiversité. Enfin, nous essayons de clarifier les critères de bioclimatisme avec une approche concrète qui permette d’en fournir un chiffrage précis.

On garde évidemment notre ADN de défricheurs en élargissant notre approche à des sujets émergents comme la santé et l’eau. On prend également compte de la question des usages : un bâtiment éco-performant qui ne répond pas aux usages de ses utilisateurs passe à côté de sa cible.

Faut-il étoffer la batterie d’indicateurs ?

F.C. : Définir les bons indicateurs est très compliqué. Le coefficient "Bbio*", par exemple, reste insuffisant. On continue de s’appuyer sur la simulation thermique dynamique (la STD), logiciel qui décrit l'évolution temporelle de l'état thermique d'une construction.

Comment les promoteurs s’inscrivent-ils dans la démarche ?

S.D. : L’association a poussé de nombreux projets. On voit les marges de progrès réalisés en matière de confort d’été. Les logements bi ou tri-orientés sont aujourd’hui beaucoup plus présents qu’il y a vingt ans. Et ce travail avec les promoteurs n’est pas univoque : ils nous apportent leur vision du terrain. On intègre les enjeux financiers auxquels ils sont confrontés dans une région dont le marché immobilier est très tendu. BDM doit composer avec cette réalité.

Du rêve à la réalité...

F.C. : Le confort d’été est un argument commercial. Les bailleurs sociaux l’intègrent dans leur relation avec les locataires de leur parc. In fine, tout le monde y gagne.

La paille de lavande, généralement mise en œuvre en vrac, peut aussi l’être en botte ou en brique. (Crédit : D.R.)

Vingt ans... et demain ? Quelles évolutions attendre ?

F.C. : En 2024, nous engagerons une réflexion avec un économiste pour interroger le modèle financier des opérations de réhabilitation. Il s’agira d’étudier les moyens d’aider les copropriétés à lancer des projets de surélévation. On compte également travailler sur la reconversion des friches, un enjeu mis en exergue par le zéro artificialisation nette (Zan). L’extension urbaine et les coûts faramineux qu’elle induit en termes financiers et environnementaux ne sont plus des options. On refuse d’ailleurs de labéliser les projets qui sont développés ex nihilo dans le périurbain. Le Zan va nous obliger de sortir de l’urbanisme à la parcelle qui a fait florès dans les années 1970/2000.

S.D. : On souhaite également faire émerger la notion de coût global du bâtiment. Un programme ce n’est pas seulement un coût de construction... c’est aussi un ouvrage qui aura un coût de fonctionnement. La frugalité doit s’appréhender sur toute la vie du bâti, pas seulement sur la période des travaux. Nous sommes intraitables sur ce sujet quand il s’agit de décerner le label : nous avons par exemple retoqué deux projets à Monaco qui ne répondaient pas à ces enjeux en dépit des moyens qu’ils mobilisaient. On a toujours à cœur de privilégier les solutions passives aux dispositifs hyper technologiques.

F.C. : Nous développons un référentiel pour les piscines. Au-delà de la raréfaction de la ressource en eau, les piscines sont des équipements lourds à porter pour les collectivités. Or, il existe une mine d’économies qui peuvent être réalisées sur ces équipements. On peut par exemple effectuer un gros travail sur la récupération des calories de l’eau. A La Colle-sur-Loup (06), la commune va installer une cuve de récupération de l’eau de pluie pour alimenter les sanitaires dans le club house et l’arrosage de la toiture végétalisée. Le projet de rénovation privilégie le réemploi des matériaux, la sur-isolation des ouvrages et l’optimisation des apports bioclimatiques passifs.

Quid du label Quartier Durable Méditerranéen (QDM) lancé en 2016 ?

S.D. : La démarche QDM est construite en cohérence avec les 20 engagements du label EcoQuartier. Elle est par ailleurs complémentaire de la labellisation BDM. L’ancrage territorial est un axe fort de ce référentiel. Outre la particularité de s’adapter à chaque spécificité locale, la démarche QDM soutient l’écosystème d’acteurs des territoires engagés dans le développement durable et encourage les filières et matériaux de construction locaux.

Son développement est plus récent. On recense une dizaine de quartiers engagés dans cette démarche. Le plus bel exemple est Volonne dans les Alpes-de-Haute-Provence : ce village a été le premier à obtenir le label QDM "Or" pour la réalisation d’un petit écoquartier dans le centre bourg.

* Le Bbio ou "besoin bioclimatique conventionnel", est l’une des trois exigences de résultat de la RT 2012. Il s’agit du coefficient évaluant l’efficacité énergétique du bâti d’une construction neuve.

Historique

2003 : Dès 2000, un espace de débats et de mutualisation des savoir-faire autour des aménagements et des constructions durables voit le jour. Trois ans plus tard, Envirobat Méditerranée naît de ces échanges interprofessionnels, en partenariat avec l’Ademe et le Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur.

2007 : L’association s’inscrit dans le réseau national BEEP (Bâti environnement espace pro) et dans l’Intercluster Bâtiment Durable. Elle développe un centre de ressources, anime des formations, des débats et des visites de chantier pour les pros.

2008 : En 2008, Envirobat créé l’association Bâtiments Durables Méditerranéens et initie une approche du bâtir durable adaptée au climat méditerranéen : la démarche BDM.

2015 : Le pôle BDM et Envirobat Méditerranée fusionnent et deviennent "EnvirobatBDM".

2016 : EnvirobatBDM organise le Colloque national du Bâtiment durable à Marseille.

2017 : Première édition du colloque BâtiFRAIS autour du confort d’été.

Un financement partenarial

L’association EnvirobatBDM est financée à 50 % par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’Etat, l’Ademe et l’Union européenne (via le fonds Interreg). Le solde (50 %) est porté par la structure en autofinancement.

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