Jérôme Benoît, chez Delta Plus Group depuis 2006, est président du conseil d’administration et directeur général depuis 2011. L’entreprise paternelle, créée en 1977 et implantée à Apt, est cotée en bourse. « Mon papa est Aptésien d’origine et je suis né aussi à Apt. Nous sommes fortement implantés dans le Vaucluse. » Historiquement, au tout début de l’activité, le savoir-faire de l’industriel était l’importation de produits de protection individuelle et collective, initialement d’Italie puis très vite d’Asie, notamment de Chine. Il n’y avait alors pas encore internet, « c’était plus compliqué. Je me souviens, petit, mon papa partait un mois voire plus en déplacement pour aller acheter des produits. Notre premier savoir-faire historique, que l’on retrouve ici dans nos locaux, est toute la logistique autour de la protection individuelle et collective avec un entrepôt de plus de 14 000 m² où sont stockées nos marchandises ».
Première production en 1999
Au cours des années 90, la société se développe, les normes progressent en gamme et qualité, la mondialisation et internet arrivent sur le marché. « Tout le monde achetait des produits en Chine, mon père a donc décidé de se différencier et d’investir dans la production. Nous avons commencé à fabriquer nous-mêmes nos produits, d’abord avec toute la famille de produits antichute ». Les absorbeurs d’énergie, autobloquants… sortent du site aptésien, « nous conservons ici, en France, toute la production à très forte valeur ajoutée ou principalement les grosses unités ». À titre d’exemple, lorsqu’Airbus Helicopters effectue de la maintenance sur ses hélicos, les salariés utilisent des blocs à rappel automatique pour ne pas s’écraser au sol s’ils venaient à chuter. « C’est notre première production et elle a démarré en 1999 ».
Rayonnement international
L’entreprise à vocation internationale poursuit les investissements et détient 18 usines un peu partout dans le monde, dont deux en France en plus de celle d’Apt (Grenoble et Saint-Étienne) et 48 filiales.
En Chine et en Inde, sont fabriquées des chaussures de sécurité et des injections plastiques pour la protection de la tête et des anti-chutes. « Nous sommes également présents en Amérique du Nord et en Amérique du Sud. Nous y avons dupliqué nos usines pour répondre à nos besoins de nous implanter localement. Lorsque nous sommes établis dans un pays, nous sommes plus efficaces pour la distribution de nos produits ».
Delta Plus Group conçoit, fabrique et distribution des équipements de protection individuelle et collective dans le monde.
(Crédit : V. Maintenant)
Bien implantée en Europe, Delta Plus Group y réalise 50 % de son chiffre d’affaires, le reste sur l’international. Conformément à la logique de distribution, l’usine italienne produit 100 % pour le marché européen, l’unité chinoise 75 % du marché chinois. « Nous avons vraiment une logique de production et d’empreinte carbone internationale tout en régionalisant toutes nos divisions. Aujourd’hui, tout le monde parle de RSE, de circuit court. Le fait que Delta Plus Group soit née de la sécurité au travail, notre ADN, c’est déjà de la responsabilité sociétale des entreprises. L’objectif étant de protéger les personnes sur leur lieu de travail, d’éviter les accidents. Nous sommes au cœur même de la RSE depuis assez longtemps. Nous nous sommes organisés en réseaux locaux avec 12 thèmes, sélectionnés de façon collégiale par la direction et les employés, pour avoir des indicateurs et les améliorer. Le premier indicateur, le plus important au regard de ce qui se passe aujourd’hui, c’est l’empreinte carbone ».
Chaque année, l’industriel réduit ses émissions de CO2 par la réduction de consommation énergétique, l’optimisation des transports… et un objectif de recycler 15 % de sa production. « Nous travaillons actuellement sur un projet autour de la botte PVC ; le PVC étant une matière décriée et assez polluante, nous consultons nos clients de la grande distribution pour récupérer les bottes usagers afin de les recycler et d’en fabriquer de nouvelles ». À cette fin, Delta Plus Group a généré des partenariats avec la GMS et recherche d’autres partenaires.
Typologie clientèle
L’industriel distribue toutes les grandes surfaces de bricolage, soit environ 10 % du CA ; des distributeurs spécialisés dans la vente d’équipements de protection individuelle et collective comme le Groupe RG qui s’adressent aux fleurons français tels qu’Airbus, Renault, Safran… pour 30 % du CA ; la distribution généraliste, dont l’équipement de protection n’est pas le cœur de métier, pour 10 % du CA ; et enfin les fournisseurs de matériaux et du BTP, coopératives agricoles…, secteurs d’activités pour lesquels l’entreprise est leader du marché, avec 60 % du CA. « Notre offre couvre la totalité de la sécurité, de la tête au pied, et nous présentons à ces filières notre expertise, leur simplifions la vie par un fournisseur unique avec une marque reconnue de qualité ».
Cinq familles de protection individuelle et collective
Delta Plus produit des équipements de protection individuelle et collective, de la conception à la fabrication. Ces équipements sont destinés à la protection des salariés, quels que soient les domaines d’activités. Segmentée en cinq familles, la protection individuelle se caractérise par : la protection du pied (chaussures ou bottes de sécurité) ; des mains (gants de manutention ou de protection chimique) ; de la tête (casque de chantier et antibruit, lunettes, masque respiratoire FFP2, ) ; de matériel antichute pour les travaux en hauteur (longe avec absorbeur d’énergie, bloc à rappel automatique, harnais) et de vêtements (tenue de travail, de visibilité, technique notamment pour ceux utilisant des outils tranchants, tronçonneuses). Depuis 2017, l’industriel fabrique également de la protection collective pour l’accès aux bâtiments (garde-corps, lignes de vie, échelles crinolines). Le directeur général, engagé dans un mode de livraison et de distribution de trois à quatre jours ouverts, recense 8 000 références en catalogue.
Qualité extrême pour travaux extrêmes
Sur cinq familles de produits, Delta Plus en fabrique trois : l’antichute à 100 %, les protections de la tête à 90 % (pas de lunettes de sécurité), et les chaussures pour moitié en interne et l’autre en externe. Ces trois types de produits, dont certains sont classés en catégorie III en matière de risques, requièrent plus de technicités. En cas de défaillance sur un matériel antichute, cela pourrait occasionner des lésions irréversibles voire un décès. « Nous avons besoin de qualité extrême et de maîtriser la production à 100 %. Nous n’avons pas envie de mettre cela dans les mains d’un sous-traitant ». Pour le vêtement de travail, la chaussure de sécurité ou le gant « nous sommes dans une logique d’industrie qui demande beaucoup de main-d’œuvre, de coutures… et avons des sous-traitants qui maîtrisent bien mieux ce segment que nous. En revanche, nous travaillons sur la partie recherche et développement, les matières et nous nous inspirons du monde du sport lors de la réalisation des prototypes ».
Pôle recherche et développement
Depuis 2011, Jérôme Benoît travaille sur la montée en gamme des protections en créant une marque leader sur les équipements « synonyme de qualité, de fiabilité avant tout ». L’industrie bénéficie d’experts produits dans chacune des familles pour développer harnais, chaussures… dessinés, matérialisés et testés par le service R&D. Ce pôle composé d’une quinzaine d’ingénieurs dont six à Apt, est, depuis un an, étoffé par Sylvie Redon, ancienne secrétaire générale du patron R&D chez Renault.
La phase de certification de produits se déroule, dans un environnement normatif avec des exigences de tests lors du développement, de la production, mais aussi de contrôles aléatoires sur le marché (réalisés par les autorités), les équipes qualité (25 personnes) pratiquent des tests dans les labos certifiés ISO qualité de Delta Plus et vérifient tous les points de la norme.
Croissance externe
En septembre dernier, Delta Plus Group a fait l’acquisition d’une usine de fabrication de bottes de sécurité au Mexique, en mars 2022, achète une usine de production de matériel antichute en Australie et, en janvier 2021, elle a acquis une société de chaussures de sécurité en Italie.
« Nous sommes dans un secteur où notre objectif est de rester, en tant qu’entreprise familiale vauclusienne, le dernier acteur indépendant du marché. La sécurité au travail est un secteur relativement jeune qui n’existait pas et a émergé lors de la création de la société en 1977 ». Le marché de la protection individuel fait l’objet d’achats/ventes et de fusions de sociétés. « Nous avons face à nous des concurrents principalement issus de rachat et fusion, notamment deux géants américains conglomérats, leaders sur la place internationale ».
Delta Plus prend pied dans la botte italienne
L’enjeu consiste à faire grossir Delta Plus Group suffisamment vite pour conserver la place de leader indépendant. « C’est un peu ce qui nous anime aujourd’hui, prendre des parts de marchés et avoir une taille significative. C’est pourquoi en 2011, nous avons travaillé sur la montée en gamme de nos produits et, depuis 2013, nous avons une seule marque sur le marché ».
Transition énergétique
Pour Jérôme Benoît, la transition énergétique est aussi une priorité. Dès 2007, le président fait installer des panneaux photovoltaïques au sol, les ombrières n’existent pas encore. En 2022, l’entreprise a produit 375 500 kilowattheuresd’énergie renouvelable grâce aux 530 m² de photovoltaïque et aux 1 650 m² d’ombrières installés. Toutes les usines sont administrées en Vaucluse et reliées par un réseau informatique, dont le cerveau à Apt est potentiellement sujet au délestage. « Nous avons essayé d’anticiper la problématique et en cas de coupures électriques, nous avons une autonomie de quelques heures uniquement dédiées à nos serveurs informatiques ».
Tourné vers la protection des salariés dans leur milieu de travail, Jérôme Benoît privilégie aussi le confort de ses collaborateurs dans le travail. À ce titre, chacun des établissements du groupe a mis en place le télétravail, possède des espaces extérieurs, un terrain de pétanque, salles de repos, avec, comme ici, à Apt, baby-foot, petits salons, réfectoire… Une chaîne de valeurs portées par un Vauclusien dans le paysage de l’industrie française cotée en bourse